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ALKEKENGE

ALKEKENGE

Physalis alkekengi L.

Article révisé en Août 2019

Alkékenges au Jardin d’EL-Dom
à AUXERRE 89, Yonne

Noms vernaculaires :

Coqueret, Amour en cage, Lanterne chinoise ou japonaise, Cerise d’hiver, Cerise des Juifs...

L’étymologie des principaux noms de la plante sont :
 « physalis » vient du grec et signifie « vessie »
 « alkékenge » vient de l’arabe « al kekandj »
 « coqueret » rappelle, en vieux français, la crête-de-coq écarlate

BOTANIQUE

Famille des Solanacées

Plante vivace, avec un rhizome rampant ; à tige anguleuse dressée jusqu’à 60-70 cm, et même jusqu’à 1 mètre sur un terrain favorable. Les feuilles sont pétiolées, naissant par deux de façon adjacente sur la tige, et alternes ; de forme géminée à la base, puis cordiformes ou pointues. La fleur solitaire, née à l’aisselle des feuilles, est monopétale (la corolle est faite d’une seule pièce), à 5 lobes, de couleur vert très pâle à blanc-ivoire. Elle a 5 étamines, et 1 style. Le calice, passé la floraison, croît autour de la fleur en enveloppant complètement le fruit en formation, jusqu’à constituer une enveloppe ressemblant à une lanterne en forme de coeur, d’abord verte, puis orangée, et enfin rouge-vermillon. Ce lampion écarlate, à l’automne, se désagrège en ne laissant qu’une « résille » autour du fruit, d’où le nom d’ « amour en cage » donné à cette plante si particulière.

Le fruit rouge est une baie, contenant une vingtaine de graines réniformes.

Noter qu’il existe d’autres variétés de par le monde, notamment :
 Physalis alkekengi var. Franchetii, ornementale, plus rouge-orangé
 Physalis heterophylla, bien connu des Amérindiens qui le consommaient, et l’utilisaient comme plante médicinale.
 Physalis peruviana, originaire du Pérou, communément appelé « Coqueret du Pérou » , aux fruits jaunes comestibles très appréciés
 Physalis pubescens, originaire des Caraïbes, appelée aussi « Cerise de terre »
 Physalis somnifera, qui pousse en Egypte, dont la racine est narcotique
 Physalis angulata, qui pousse en Afrique ; c’est une plante médicinale utilisée dans la maladie du sommeil, et qui possède des propriétés anticancéreuses...

une Physalis encore verte
à MERRY s/YONNE, 89 Yonne

HABITAT

L’Alkékenge est une plante répandue de l’Europe méridionale à l’Asie.
On la trouve spontanée surtout dans les vignobles (en Italie et en Espagne) et dans les lieux incultes, plutôt humides. La plupart du temps, elle est cultivée dans les jardins dans un but décoratif, pour ses beaux « lampions ».

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels :

Des baies d’Alkékenge ont été retrouvées dans les cités lacustres du Lac de Chalain, prouvant qu’elles étaient déjà consommées à l’époque néolithique.

Le botaniste et médecin grec d’Anatolie, DIOSCORIDE, au 1° siècle de notre ère, connaissait la plante sous le nom d’ « Halicacabon » ; il l’a vanté comme un bon diurétique, et dans l’obstruction urinaire.

Au Moyen-Age, à la fin du XIII° siècle, Arnaud de VILLENEUVE qui professa la médecine à Montpellier, traitait avec les baies « l’ischurie rebelle » (vieux mot médical signifiant une rétention urinaire).

MATTHIOLI, médecin italien du XVI° siècle, nous dit que « Sa graine prise en breuvage purge la jaunisse et fait uriner ». A la même époque, un autre italien, Gianbattista DELLA PORTA de Naples, recensait les « analogies » entre les formes des plantes et des minéraux et leurs propriétés ; et les similitudes frappantes entre les aspects de certaines parties de plantes et ceux de certains organes du corps humain, venant conforter la théorie des « signatures » de PARACELSE. Ainsi, dans son livre « Phytognomania » de 1588, il voyait chez l’alkékenge une vessie enflammée contenant un calcul, aspect qui devait être le signe de la nature indiquant une action sur les inflammations vésicales dues à la présence d’une lithiase. (cité par H. LECLERC).

Au XIX° siècle, MERAT confirme aussi les indications urinaires de la baie, et cite un médecin, RAY, qui avec 8 baies consommées chaque matin prévenait les récurrences d’accès de goutte.

Les baies d’alkékenge rentraient aussi dans la composition du Sirop de Chicorée composé (associées à la RHUBARBE, La CHICOREE, le FUMETERRE, le SCOLOPENDRE...) indiqué comme purgatif ; et dans le Sirop antinéphrétique de la Pharmacopée Royale. On préparait aussi une Eau antinéphrétique (à base de baies d’alkékenges macérées pendant 48 H. dans du jus de citron) que HOEFFER (cité par JAMES ) recommandait comme « excellent remède pour chasser les pierres et le gravier qui embarrassent les conduits urinaires ».

A la fin du XIX° siècle, CAZIN reprend les indications traditionnelles : « Les baies d’Alkékenge ont été longtemps employées dans la gravelle, les rétentions d’urine, les hydropisies, l’ictère, etc. ». Lui-même confirme « avoir employé des baies d’alkékenge avec succès dans la gravelle, l’œdème et l’anasarque, qui suivent les fièvres intermittentes ». Les baies sont très utiles, en décoction, comme diurétiques. Il cite les Dr GENDRON et FATON qui, à l’Hôpital de Vendôme, « ont presque toujours réussi à guérir des fièvres intermittentes » avec de la poudre de calice et de baies, permettant de réduire l’usage du Sulfate de Quinine.

une fleur d’Alkékenge

2) Composition & Pharmacologie

Les substances qui ont été isolés de la Physalis alkekengi sont :
 de la Vitamine C, à teneur double de celle contenue dans le citron.
 de l’acide citrique, qui est un métabolite du cycle de Krebs (qui mène à la formation d’ATP dans les cellules, une molécule énergétique)
 des flavonoïdes, anti-oxydants, dont certains seraient fébrifuges
 un caroténoïde : appelé physaliène
 un alcaloïde toxique, la solanine, présente dans la peau verte et les germes de pomme de terre (une autre solanacée), mais ici à l’état de trace, et seulement quand la plante en croissance est encore verte.
 un acide-alcool qui est diurétique et laxatif.

 et la Physaline qui est un « amer stéroïdique » ou un lactone stéroïdien. C’est en réalité un complexe de plusieurs molécules dont la première, la Physaline A, a été isolée en 1979 par le japonais MATSUURA.
Depuis, plus d’une dizaine ont été identifiées, et nommées Physaline B, C, D, E, F...T (KAWAI, 2001). Les expérimentations pharmacologiques sur l’animal ont montré que les B étaient anti-inflammatoires et anticancéreuses sur le mélanome, le cancer du poumon, l’hépatome, le cancer du rein... ; la F est immunosuppressive...

une ribambelle de Coquerets
(variété ornementale Franchetii)
au hameau des GRAILLOTS en Puisaye
près de POURRAIN, 89 Yonne

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES de l’ALKEKENGE

=> Les baies du Coqueret ont traditionnellement des indications essentiellement urologiques  :
 diurétique utilisé pour relancer la diurèse en cas d’œdème.
 uricolytique et urico-éliminateur : les baies favorisent la mobilisation de l’acide urique et son élimination par les voies urinaires, tout en favorisant l’expulsion des lithiases et du gravier urique. Cet effet irait jusqu’à « débloquer » la miction en cas de rétention d’urine par obstacle urinaire.
 d’après certaines observations, les baies élimineraient aussi les lithiases oxaliques. Or, un des aliments les plus pourvoyeurs d’acide oxalique (avec l’oseille) est la tomate, qui en excès est susceptible d’occasionner des coliques néphrétiques. La tomate est une solanacée très proche de l’alkékenge ; il est surprenant de découvrir chez l’une le remède à une pathologie occasionnée par l’autre !
 elles réduisent l’inflammation des voies urinaires et de la vessie
 elles remédient aux difficultés mictionnelles de l’hypertrophie prostatique, y compris en cas de « miction goutte-à-goutte » et de menace de rétention urinaire.

=> L’Alkékenge est connue pour soulager les goutteux, espacer les crises de goutte (en favorisant l’élimination de l’acide urique), et réduire les rhumatismes qui lui sont liés (les hyperuricémiques ont souvent des arthralgies erratiques).

un "amour en cage"

=> Note : une variété tropicale, PHYSALIS ANGULATA, est très étudiée sur le plan pharmacologique depuis quelques années, à cause de sa richesse en physalines et whitanolides.
 en Afrique, la médecine traditionnelle utilise les feuilles sur les plaies, et la plante dans la trypanosomiase africaine (ou maladie du sommeil), les coliques, les calculs, l’anurie... ;
 en Amérique Centrale et du Sud, elle soigne le paludisme, l’hépatite, la colique néphrétique, les rhumatismes, la fièvre.
Elle a donc été testée comme antipaludéen succédané de la Quinine.

 Par ailleurs, des tests cliniques sur l’animal ont conduits à des observations remarquables : comme anticancéreux sur plusieurs types de cancers pulmonaires, du rein, hépatome, mélanome...
Certaines physalines inhibent la croissance des cellules leucémiques.
D’autres inhibent la réaction lymphocytaire responsable du rejet de greffe, propriété anti-rejet qui pourrait trouver des applications thérapeutiques après transplantation cardiaque.

qui oserait prendre ces vessies
pour des lanternes ?

 En Iran, l’Alkékenge a été utilisée dans la médecine traditionnelle comme plante anticonceptionnelle. Des études expérimentales en laboratoire ont montré chez le rat-femelle une réduction de la fertilité par réduction implantatoire (du nombre d’ovules fécondés dans l’utérus). L’hypothèse d’un effet « anti-stéroïde » anti-estrogénique et/ou antiprogestéronique est soulevée (MONTASERTI, 2007). Aucune étude clinique humaine n’est disponible. Nous ne saurions la conseiller avec garantie pour remplacer la pilule ! Par contre, par pure précaution, l’administration de la plante n’est pas souhaitable chez une femme ayant un désir de grossesse.

RECOLTE

Seul le fruit (la baie) se mange ou est utilisé à des fins médicinales, bien rouge, lorsqu’il a atteint sa pleine maturité en Octobre. Ouvrir la « vessie », enlever les restes du calice ; faire sécher longuement.

EMPLOI CULINAIRE 

Les baies d’Alkékenge se mangent depuis la préhistoire. Elles sont consommées depuis des générations par diverses tribus amérindiennes.
Le calice et les parties vertes, très amères, et potentiellement toxiques ne doivent pas être consommées. Les baies rouges d’Alkékenge décorent les salades ou les pâtisseries ; on les dispose comme « la cerise sur le gâteau ». On en fait aussi des confitures.

La variété importée Péruviana ou « Coqueret du Pérou » dite « Baie des Incas » est jaune, plus grosse, et d’un goût plus sucré, très agréable.

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE 

 en INFUSION : 20 à 30 g de baies par litre ; verser l’eau bouillante, laisser infuser 15 mn ; en drainage des voies urinaires

 en DECOCTION : jusqu’à 40-50 g de baies / litre ; faire bouillir quelques minutes, puis laisser infuser 10-15 mn ; pour des indications urinaires plus sévères, qui requièrent des posologies plus fortes : « sable urinaire » de couleur jaune d’acide urique, lithiase difficulté mictionnelle d’origine prostatique, crise de goutte, rhumatismes goutteux...

 ou tout simplement en consommation quotidienne de BAIES :
4 à 5 baies chaque matin pour drainage urinaire et uricolyse chez les goutteux
7 à 8 baies pour relancer la diurèse en cas d’œdème
4-5 baies toutes les 4-6H pour tenter de « lever l’obstacle » au cours d’une colique néphrétique, d’une lithiase vésicale, ou d’une menace obstructive d’origine prostatique. Dans ces indications, la littérature décrit des posologies poussées jusqu’à 30 à 40 baies par 24H.

 en TEINTURE-MERE : PHYSALIS ALKEKENGI TM : 50 gouttes x 3 fois / jour par cures de 2 à 3 semaines.

 VIN de COQUERET : cette forme était prisée dans les régions viticoles où, au moment des vendanges, on laissait macérer 4 parties de moût de raisin avec 1 partie de baies d’Alkékenge. Le reste de l’année, on peut faire macérer 30 g de baies séchées (ou 60 g de baies fraiches) par litre de vin pendant une huitaine de jours ; garder au frais pendant la cure :
1 verre à liqueur chaque matin.

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Liste A (ansm 04/01/2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) Bibliographie générale :

Jan VOLAK – Jiri STODOLA « Plantes médicinales » p. 222

H. LECLERC « Précis de Phytothérapie » p. 61-62

Pierre LIEUTAGHI « Le Livre des bonnes herbes » p. 312

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » p. 69-70

PROTA « Medicinal plants » p. 490-491

2) Ouvrages anciens :

Pietro Andrea MATTHIOLI, Antoine du PINET de NOROY « Les Commentaires de M. Pierre André MATTHIOLUS médecin senois sur les six livres de Pedacius DIOSCORIDE Anazarbéen, de la matière Médicinale », Lyon, 1620, p. 391-392

Robert JAMES « Dictionnaire universel de médecine, de chirurgie, de chymie, de botanique, d’anatomie, de pharmacie, d’histoire naturelle » 1746, Tome premier, col. 797-800

Jean-Emmanuel GILIBERT « Histoire des plantes d’Europe et étrangères, les plus communes, les plus utiles... » 2° Ed., Lyon, 1806, Vol 1 ; § 443, p. 233-234

François-Victor MERAT, Adrien Jacques DE LENS « Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale » Paris, 1833, Tome 5°, p. 295-296

François Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des Plantes médicinales indigènes » Paris, 1868, p. 47-50

3) Articles scientifiques :

(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :

MATSUURA T, KAWAI M, MAKASHIMA R, BUTSUGAN Y « Structures of physalin A and physalin B ...cyclo-steroïds from Physalis alkekengi var. Francheti » J. Chem. Soc. Perkin 1, 1970 ; 5 : 664-70

KAWAI M, YAMAMOTO T, MAKINO B, YAMAMURA H, ARAKI S, BUTSUGAN Y, SAITO K. « The structure of physalin T from Physalis alkekengi var. franchetti. » J. Asian Nat. Prod. Res. 2001 ; 3(3) : 199-205 (Nagoya Institute of Technology, Japan)

SA MS, de MENEZES MN, KRETTLI AU, RIBEIRO IM, TOMASSINI TC, DOS SANTOS RR, DE AZEVEDO WF Jr, SOARES MBP « Antimalarial Activity of Physalins B, D, F and G » J. Nat. Prod. 2011, 74 (10) p. 2269-72 (Brazil)

SOARES M.B.P, BRUSTOLIM D, SANTOS L.A, et all « Physalin B, F and G, seco-steroïds purified from Physallis angulataL., inhibit lymphocyte function and allogenic transplant rejection » International Immunopharmacology, Vol 6, Issue 3, March 2006, p. 408-414 (chercheurs brésiliens)

MONTASERTI A, POURHEYDAR M, KHAZAEI M, GHORBANI R « Anti-fertility effects of Physalis alkekengi alcoholic extract in female rat » Iranian J. Reprod. Med. 2007 ; 5(1) : 13-16 (Kermanshah University, Iran)

GE Y, DUAN Y, FANG G, ZHANG Y, WANG S. « Study on biological activities of Physalis alkenkengi var. francheti polysaccharide » J. Sci. Food Agri. 2009 ; 89(9) : 1593-98 (Tianjin University & X’ian University, China)

HELVACI S, KÖKDIL G, KAWAI M, DURAN M, DURAN G, GÜVENC A. « Antimicrobial activity of the extracts and physalin D from Physalis alkekengi and evaluation of antioxidant potential of physalin D » Pharm. Biol. 2010 Feb ; 48(2) : 142-50 (Mersin University, Turkey)

BAHMANI M, RAFIEIAN-KOPAEI M, NAGHDI N, MOZAFFARI NEJAD AS, AFSORDEH O. « Physalis alkekengi : A Review of its Therapeutic effects » J. Chem. Pharm. Sci. 2016 July-Sept ; 9(3) : 1472-75 (Ilam & Shahrekord & Hamadan Universities, Iran)

WEBOGRAPHIE

www.fr.wikipedia.org
www.wikiphyto.org
www.doctissimo.fr
www.passeportsante.net
www.mr-plantes.com
www.prota4u.org (pour Physalis angulata)
www.toxiplante.fr

Par Dr Dom COQUERET

Le dimanche 30 juillet 2017

Mis à jour le 18 août 2019