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AUBEPINE

AUBEPINE

Crataegus oxyacantha L.

Crataegus laevigata DC.

et Crataegus monogyna Jacq.

Monographie révisée et complétée le 8 Novembre 2018
et Août 2019

une Aubépine en fleurs
dans le Bois de Pousselange
à ESCAMPS, 89 Yonne

Noms vernaculaires :

Epine blanche, Epine de Mai, Aubespin, Cenellier ou Senellier

( l’étymologie vient du grec « krataegos » : bois dur, et « oxyacantha » : épines pointues ; Aube-Epine, elle, dérive de l’ancien français « Aubespin » ou « Albespin » qui provient directement du latin « Alba spina » ou Epine blanche )

BOTANIQUE

Famille des Rosacées

L’aubépine est un arbuste ou un arbrisseau au bois très dur qui peut vivre plusieurs siècles, devenant alors un arbre. Ses branches et ses rameaux portent des épines très pointues. Les feuilles sont alternes, d’un vert-sombre, pétiolées et découpées. Les fleurs sont groupées en corymbes blanches d’une dizaine à une quinzaine de fleurs. Chaque fleur a 5 pétales arrondis, et de nombreuses étamines à anthères rouges. L’Aubépine est un des premiers arbustes à fleurir au printemps, et répand aux abords des haies un parfum délicat d’amande amère.

Les fruits sont des drupes : petits fruits charnus ovoïdes, de la taille d’une petite cerise, rouges, appelés « Cenelle » ou « Senelle » ; leur chair est farineuse, autour d’une seule graine pour la variété à 1 style dite Monogyna, et de 2 (ou parfois 3) graines pour la variété à 2 styles dite Laevigata.

HABITAT

Répandu en Europe, Asie occidentale, et Afrique du Nord ; d’autres variétés poussent en Amérique du Nord et en Asie.
L’Aubépine se plait à la lisière des bois, dans des friches ensoleillées et sur les coteaux. Mais elle pousse surtout dans les haies, associée à d’autres arbustes épineux comme le Prunellier (ou « Epine noire ») et l’Eglantier, formant alors des clôtures infranchissables au bétail.

Fleurs d’Aubépine
fraîchement écloses au mois de Mars

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels 

Son écorce aurait été utilisée par les médecins de la Grèce ancienne comme fébrifuge. DIOSCORIDE, ce grand botaniste et médecin grec d’Asie Mineure du 1° siècle de notre ère, cité par MATTHIOLE au XVI°s. dans ses Commentaires des 6 Livres, dit de cet arbuste « oxyacantha », aux épines aïgues, que : « Ses grains mangés ou pris en breuvage arrêtent le cours du ventre et le flux immodéré des femmes. Sa racine pilée et réduite en emplâtre tire hors du corps les dards et les épines » ; et qu’il était « un souverain remède pour faire sortir la pierre, le prenant avec du vin ».

Il y a très peu d’indications médicales reconnues pendant toute la période de l’Empire romain, du Moyen-Âge et de la Renaissance, où seul l’usage populaire utilisait les « cenelles » d’Aupépine à des fins alimentaires (comme les glands de chêne ou les châtaignes) en période de disette.

Au XVI° siècle, Hiéronymus BOCK, dit « TRAGUS », un botaniste allemand, assurait que « l’eau distillée des fleurs de l’Epine blanche, ou l’esprit que l’on en tire en les distillant avec le vin dans lequel elles ont macéré pendant trois jours, soulagent beaucoup les pleurétiques, et ceux qui ont la colique ».

Petri Andrea MATTHIOLI en 1579, puis Jacques DALECHAMPS en 1586 dans son « Historia generalis plantarum », n’ont fait que de recopier les uns après les autres les indications transmises depuis l’antiquité.

Au XIX° siècle, CAZIN mentionne brièvement l’intérêt de l’Aupépine ; il rapporte des usages qui proviennent de la tradition populaire maintenue à la campagne : les baies sont astringentes, stoppent les diarrhées des enfants, et même les constipent ; les fleurs en infusion soulagent les maux de gorge et les angines.

Il faudra attendre la fin du XIX°s. pour que le phytothérapeute Henri LECLERC nous raconte comment a été découvert un texte, parmi des documents collectés par le Dr Ernest BONNEJOY (qui avait été Médecin de l’Hospice de Chars dans le Val d’Oise, et avait été un promoteur de l’alimentation végétarienne, avant de décéder en 1896). C’était un écrit anonyme de 1695 qui indiquait pour « l’impulsion trop grande » et la « distension des vaisseaux sanguins » trois remèdes : la pervenche, l’aubépine, et l’alchémille. Cette description attirait l’attention sur l’emploi possible de l’aubépine dans l’éréthisme cardiaque qui résulte de battements trop forts du cœur, avec hyperpulsatilité artérielle.

C’est à la même époque, nous dit le Dr LECLERC, que deux médecins américains les Dr JENNINGS et Dr CLEMENT publièrent des travaux expérimentaux sur l’utilisation thérapeutique du CRATAEGUS OXYACANTHA en cardiologie, respectivement en 1896 et 1898. D’autres praticiens, dans les années qui suivirent, confirmèrent leurs travaux. En 1915, le Dr Finley ELLINGWOOD de Chicago dans sa remarquable « America Materia Medica » résuma leurs travaux :

 Le Dr JENNINGS de Chicago avait donc publié en Octobre 1896 les observations de 157 médecins sur l’action bénéfique du CRATAEGUS dans diverses pathologies cardiaques. « Crataegus oxyacantha est supérieur à chacun des autres remèdes actuels bien connus et sélectionnés dans le traitement des affections cardiaques, car il semble les guérir tandis que les autres remèdes sont seulement palliatifs, au mieux. Crataegus peut être considéré comme spécifique dans les affections cardiaques suivantes : angine de poitrine, insuffisance valvulaire, avec ou sans dilatation du cœur, endo-myo et péri-cardite, tachycardie, rhumatismes cardiaques, « névralgie » cardiaque quelqu’en soit la cause, palpitation, vertige, apoplexie, œdème, et troubles fonctionnels » (traduction personnelle). La posologie la plus adaptée était de 4-8 gouttes d’Extrait Fluide x 3 à 4 fois/j . Ce médecin déclarait avoir été fortement impressionné de la rapidité avec laquelle l’œdème cardiaque régressait sous l’influence du Crataegus.

 Le Dr Joseph CLEMENT, de Kansas City, s’était mis en contact avec son collègue précédemment cité. Il testa le Crataegus, et publia en Avril 1898 une observation remarquable sur un patient atteint d’angor pectoris majeur, avec œdème, et signes de gravité laissant entrevoir une issue fatale à court terme ; alors qu’il ne répondait pas aux remèdes habituels, il obtient grâce à l’Extrait fluide du Dr JENNNINGS, en peu de semaines, un soulagement permanent de la douleur angoreuse. Il émit l’hypothèse que ce remède avait une action « dissolvante » sur les plaques d’athérome même calcifiées déposées dans la lumière des artères.

Certains observateurs affirmèrent que l’emploi de ce remède chez des personnes âgées atteintes d’artériosclérose ou d’angine de poitrine pourrait prolonger leur vie au-delà du temps normalement prévisible.

 Le Dr JERNIGAN qui, lui aussi, expérimenta largement ce remède fut convaincu « qu’il était supérieur à bien d’autres remèdes ; à cause d’un large champ d’action (sur le système cardio-vasculaire), sans effet cumulatif, ni d’influence toxique, sans contrindication, et qu’il agit en harmonie avec d’autres remèdes ».

Il tempère aussi les symptômes du goître exolphtalmique (dans la maladie de Basedow, où la « cardiothyréose » associe éréthisme et tachycardie).

 Le Dr SHARP, de l’Ohio, trouva le Crataegus indiqué dans les pathologies cardiaques usuelles, amenant à des améliorations satisfaisantes y compris dans des cas de pathologies cardiaques sévères.

 D’autres médecins de cette époque confirmèrent des améliorations notables dans les dilatations cavitaires de l’insuffisance mitrale, dans l’insuffisance cardiaque, et chez des asthmatiques avec dilatation ventriculaire droite (cœur pulmonaire chronique).

On associait souvent à l’époque ce remède au STROPHANTHUS.

Henri LECLERC, expérimenta l’usage de l’Aubénine en Lorraine pendant la guerre 14-18, et publia ses observations en 1921.

Fleurs d’Aubépine monogyna
à 1 style

2) Composition & Pharmacologie 

La composition des substances pharmacologiques révèle :
 de la Vitamine C, et B ; du Manganèse...

 une grande richesse de flavonoïdes, en moyenne 2% (entre 0,8% et 3%) qui ont en commun d’être vasculoprotecteurs par effet anti-oxydant.
Citons :
L’hyperoside, un galactoside du quercétol ou quercétine (très présent aussi dans les câpres, la livèche, le sureau, le piment…)
Le Rutoside, plus simplement appelé « Rutine » : c’est un diglycoside de quercétine (présent aussi dans les câpres, l’olive noire, le sarrasin…) et ingrédient de spécialités phlébotoniques comme l’ESBERIVEN et le VELITEN.
Le spiréoside, un glucoside de quercétine (présent aussi dans l’oignon rouge, l’Ulmaire…)
Et la vitexine présente dans les fleurs seules (entre 1,8% et 2%) ; c’est un hétéroside d’apigénine (retrouvée également dans la Passiflore, et le Gattilier, la Verveine odorante, la Salicaire, l’Achillée millefeuille…). C’est est un puissant anti-oxydant.
Ces Flavonoïdes, en particulier le Vitexine-2-O-rhamnoside et l’Hyperoside, sont anti-infectieux, actifs sur le Candida albicans et le virus Herpes simplex (ORHAN, 2007).

 des procyanidols (2%-3%) qui sont des pigments rouges (dont l’épicatéchol). C’est l’ensemble de ces flavonoïdes et procyanidols qui agissent favorablement en synergie sur le cœur et les artères.

 des acides triterpéniques (acide crataegolique)

 des tanins qui sont astringents

 et, dans les fleurs, une petite quantité d’amines biogènes : de la triméthylamine qui est exhalée par les corymbes et donne cette légère odeur de poisson ; de la tyramine qui a pour précurseur un acide aminé la tyrosine ; et de la phénéthylamine dont les dérivés agissent sur le métabolisme de la sérotonine. Noter que cette tyramine est retrouvée aussi dans les viandes, le saucisson, les harengs, les fromages, les levures –dont la levure de bière-, le chocolat, l’avocat… C’est un puissant vasodilatateur.

 enfin, les noyaux des cenelles (comme bien des noyaux dont ceux d’abricots…) contiennent de l’acide cyanhydrique qui est toxique. Il est donc déconseillé d’ absorber les noyaux.

Des fruits (ou cenelles) sont extraits par chromatographie des composés phénoliques dont les 8 principaux sont :
 l’acide ursolique
 l’Hyperoside
 l’isoquercitrine
 l’épicatéchine
 l’acide chlorogénique
 la Quercétine
 la Rutine
 l’acide protocatéchique
Hormis l’acide ursolique, tous ces composés phénoliques protègent les lipoprotéines de faible densité (LDL) de l’oxydation médiée par l’ion métallique du cuivre CU++. Or, les LDL oxydés sont très incriminés dans l’athérogenèse. Ces composés phénoliques préviennent aussi l’oxydation de l’alpha-tocophérol, principale forme de la Vitamine E. L’alpha-tocophérol a un rôle primordial comme anti-oxydant majeur dans la prévention des maladies coronariennes ; mais aussi dans la prévention des maladies neurodégénératives (comme la maladie d’Alzheimer ou la maladie de Parkinson...), du diabète, de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), du cancer, des rhumatismes, et du vieillissement.
Or, expérimentalement chez le rat nourri avec un régime contenant 30% d’huile polyinsaturée, un supplément alimentaire de 2% à base de poudre de fruits d’Aubépine augmente le taux sérique d’alpha-tocophérol d e18% à 20%. L’inhibition de la peroxydation des lipides (LDL) et de cette importante Vitamine E, l’alpha-tocophérol, est très probablement le principal mécanisme de la protection cardiovasculaire. L’Aubépine peut y contribuer (ZHANG,2001).

Des expérimentations ont été menées chez l’animal (cobaye) pour mieux connaître l’action d’extraits d’Aubépine, et de ses principaux flavonoïdes, sur le fonctionnement du myocarde. Ainsi, ont été mises en évidence les propriétés suivantes :
 une augmentation du débit coronaire, de +186% avec le Lutéine-7-glucoside, de +66% avec l’Hyperoside, et de +66% avec la Rutine ;
 un lusitropisme positif, qui est une augmentation de la vitesse de relaxation des ventricules, de +104% avec le Lutéoline-7-glucoside, de +62% avec l’Hyperoside, et de +73% avec la Rutine ;
 un léger effet inotrope positif, qui est un renforcement doux de la force de contraction myocardique.
Un même ensemble de ces bénéfices, mais plus modéré, existe avec la Vitexine et le Vitexine-rhamnoside.
Le mécanisme d’action de ces flavonoïdes passe par une inhibition enzymatique de l’adénosine-3,5-monophosphate phosphodiestérase (SCHÜSSLER, 1995).
Chez des rats perfusés avec un extrait d’Aubépine, se produit une vasodilatation précoce des artères coronaires (DOOD, 2013).
Dans un modèle expérimental d’ischémie-reperfusion chez le rat, l’administration d’un extrait de Crataegus oxycantha réduit les taux de CPK et la taille de l’infarctus (JAYACHANDRAN, 2010).

Des études comparatives ont cherché à établir quels étaient les meilleurs solvants pour l’extraction des composés actifs de l’Aubépine. L’Ethanol entre 40° et 70° est le meilleur solvant pour cette plante (d’où l’intérêt des Teintures Mères). Par ailleurs, l’expérimentation animale a montré un effet relaxant sur l’aorte de cobaye préalablement contractée par la noradrénaline (VIERLING, 2003). On sait qu’une vasoconstriction artérielle se produit sous l’effet du largage de catécholamines (adrénaline et noradrénaline) au cours du stress. Cette vasorelaxation sous Aubépine trouve là un intérêt médical, avec à la clé, une diminution des résistances périphériques.

Dans les dernières années du XX° siècle et les toutes premières années du XXI° siècle, les effets physiologiques chez l’homme de l’Aubépine ont pu être établis :
 un effet inotrope positif doux, donc cardiotonique
une amélioration du flux coronaire
une meilleure utilisation de l’oxygène
 ainsi qu’une protection de l’intégrité de l’endothélium vasculaire.
L’utilité de l’Aubépine fut reconnue dans l’insuffisance cardiaque modérée (chiffrée selon la classification de la société de cardiologie américaine NYHA) en utilisant des doses recommandées entre 160mg et 900mg d’extraits hydro-alcoolique de feuilles et de fleurs, administrées en 2 à 3 prises quotidiennes. Les effets secondaires possibles, et répertoriés, ont été : des rash (éruptions allergiques) rares, des troubles gastro-intestinaux, des céphalées, de la transpiration, des étourdissements, des palpitations, de la somnolence ou de l’agitation. Des interactions médicamenteuses furent suspectées avec des vasodilatateurs, des antihypertenseurs, des anti-angoreux et des anti-arythmiques (RIGELSKY, 2002).
L’Aubépine a un rôle dans la prévention et le traitement de plusieurs pathologies cardio-vasculaires comme l’hypertension artérielle, l’hyperlipidémie, l’ischémie myocardique, les troubles du rythme, et l’insuffisance cardiaque (CHANG, 2005) (FUREY, 2008) (MOMEKOV, 2013).

Plusieurs études cliniques ont été conduites.
Citons, à titre d’exemple :
 Dans une étude allemande : 209 patients en état d’insuffisance cardiaque chronique congestive (classe III de la NYHA) furent recrutés, et randomisés en 3 groupes : le 1° traité par extrait sec de feuilles et de fleurs d’Aubépine à la posologie de 1800mg ; le 2° groupe recevant 900mg ; le 3° étant le groupe témoin, sous placebo. La durée de l’étude fut de 16 semaines. L’évaluation des patients a consisté à évaluer leurs capacités fonctionnelles sur cyclo-ergomètre. Un bénéfice fonctionnel positif a été conclu, à dose dépendante, et avec une bonne tolérance (TAUCHERT, 2002).
 Par contre, une étude clinique américaine n’a pas donné de différence statistiquement significative. La méthodologie était différente, puisque les 120 patients insuffisants cardiaques chroniques (NYHA classe II-III) ont tous continué de prendre un traitement conventionnel (associant IEC, bêta-bloquant, diurétique et digitalique). Un 1° groupe traité (60p.) a reçu un traitement complémentaire par extrait standardisé d’Aubépine 450mg x 2 fois par jour, soit 900mg/24H, pendant 6 mois ; versus un 2° groupe de 60 p. poursuivant le traitement conventionnel plus un placebo. Au terme des 6 mois de l’étude, il n’y a pas eu de différence significative sur les paramètres d’une marche quotidienne de 6 minutes, sur la qualité de vie, sur le dosage hormonal du BNP (Brain natriuretic peptide), qui est un marqueur de défaillance cardiaque, sur la mesure du stress oxydatif (apprécié par le 8-isoprostane), ou sur les paramètres de l’inflammation (comme le dosage de la CRP) ; hormis une modeste amélioration de la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) en faveur du groupe traité par l’Aubépine (ZICK, 2009).

Mais d’autres auteurs ont obtenu des améliorations cliniques :
 Une équipe suisse, avec des baies fraiches de Crataegus oxyacantha et de C. monogyna (Crataegisan), a évalué des patients ayant une insuffisance cardiaque congestive (NYHA II) sur cyclo-ergomètre. A la posologie de 30 gouttes x 3 fois par jour, le groupe traité a vu une amélioration de la dyspnée d’effort et de la fatigue au cours de l’exercice physique, gagnant 8,3 watt par rapport au statut initial (DEGENRING, 2003).
 Une étude clinique iranienne randomisée, double-aveugle, a été menée chez 92 hypertendus. Dans le groupe traité avec une Aubépine locale (Crataegus curvisepala), une amélioration significative est survenue à partir du 3° mois, marquée par l’abaissement de la pression à la fois systolique et diastolique (ASGARY, 2004).
 Une méta-analyse recensait déjà en 2003 treize études cliniques randomisées, dont 8 ayant des données exploitables totalisant 632 patients. Celles-ci suggéraient un bénéfice clinique de l’adjonction thérapeutique d’Aubépine dans l’insuffisance cardiaque (PITTLER, 2003).
Tout en tenant compte des réserves et des limites de ce traitement, il était déjà possible d’affirmer dans les années 2010 que l’Aubépine est remède sûr, efficient et non-toxique, dans le traitement des maladies cardio-vasculaires et de la cardiopathie ischémique (TASSEL, 2010).
 Une étude sur 8 volontaires a permis de vérifier l’absence d’interaction médicamenteuse entre l’Aubépine et la Digoxine (Digitaline) ; ils peuvent donc être co-administrés sans risque (TANKANOW, 2003).

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES de l’AUBEPINE 

=> Les travaux du Dr LECLERC au début du XX° siècle, puis des chercheurs qui ont précisé les propriétés de la plante depuis ces 40 dernières années, ont conclu que l’Aubépine était un bon régulateur cardiaque. C’est un freinateur de l’excitation du cœur produite par un excès du nerf grand sympathique. L’hypersympathicotonie est en effet responsable d’une augmentation de la pression artérielle, de la pression systolique du ventricule gauche, et d’une accélération du rythme cardiaque ou tachycardie. Ce tableau clinique est appelé « éréthisme cardiaque ». L’excès d’activité du sympathique favorise encore le déclenchement d’extrasystoles, ressenties par le malade comme des « palpitations », et des accès de tachycardie paroxystique. L’Aubépine remédie doucement à ces excès, tout en permettant au parasympathique, ou nerf vagal, qui fonctionne en opposition au premier système, d’exercer sa fonction freinatrice du rythme cardiaque (effet bradycardisant). C’est ainsi qu’ elle s’oppose à l’extrasystolie auriculaire et ses manifestations cliniques à type de palpitations et d’accès de tachycardie chez les sujets neurotoniques.

En diminuant les résistances vasculaires périphériques, l’Aubépine diminue la pression artérielle. C’est un hypotenseur. Des études ont montré des baisses de plusieurs centimètres de mercure. Par voie de conséquence, l’Aubépine soulage le travail d’éjection du ventricule gauche, et améliore l’insuffisance cardiaque. C’est un tonicardiaque doux (inotrope positif).

Par son effet anti-vasoconstricteur artériel (comme sont les bêta-bloquants), la plante exerce une action vasodilatatrice coronarienne, expliquant les améliorations cliniques constatées chez les angoreux.

Haie d’Aubépine sous la Côte de Brienon
à MONT SAINT SULPICE, 89 Yonne

Par cette action douce et progressive, il s’en suit une meilleure contraction du myocarde en cas d’ischémie myocardique chronique par insuffisance coronarienne. L’Aubépine, en association à un diurétique, a fait la preuve de son action favorable dans l’insuffisance cardiaque de stade I et II, en particulier liée à l’âge.

=> Par ses flavonoïdes anti-oxydants, l’Aubépine protège les endothéliums vasculaires, non seulement veineux, mais aussi artériels ; elle ralentit le processus d’artériosclérose.

=> L’Aubépine a une action sédative douce. Elle calme l’hypernervosité, la neurotonie, l’hyperémotivité, le stress, et sa conséquence l’insomnie, bien que n’ayant aucune action hypnotique proprement dite. Elle est donc bien indiquée (souvent en association avec d’autres plantes comme la PASSIFLORE ou la VALERIANE) chez les sujets neurotoniques, dont elle atténue l’anxiété. Elle soulage palpitations et irritabilité de la ménopause.

=> L’aubépine est un diurétique faible. Ses baies favorisent traditionnellement l’expulsion des lithiases rénales.

=> Les baies sont aussi astringentes, arrêtent les diarrhées.

USAGES CULINAIRES

 On a retrouvé des noyaux de cenelles dans les cités lacustres du Néolithique, avec d’autres baies (comme de cynorrhodons…), preuve que la cueillette de tous ces fruits sauvages rentrait dans la diversité de leurs ressources alimentaires. Pendant des siècles, notamment en Allemagne, la farine de cenelles était incorporée à la farine de céréales pour faire du pain. Cette farine se prépare en faisant sécher les cenelles après récolte, les broyer, puis les réduire en poudre.

 en Gelée, Sirops, Confitures : faire cuire les cenelles pendant 15 à 20 minutes, passer au presse-purée, filtrer pour éliminer les graines ; rajouter la quantité de sucre propre à chaque recette ; faire recuire 5 minutes, puis mettre en pots ébouillantés.

AUTRES USAGES

Le bois très dur de l’aubépine a longtemps servi pour emmancher les outils.

RECOLTE 

 Les fleurs se récoltent par beau temps aussitôt après la floraison (qui est de courte durée), à des fins médicinales.
 Les feuilles : pendant tout le printemps et l’été
 Les fruits ou cenelles : après maturité à la fin de l’été ou en automne pour les faire sécher, pour un emploi médicinal ou culinaire (farine) ; ou après les premières gelées si l’on veut en faire des confitures, gelées.

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSION de sommités fleuries séchées : 1-2 g/tasse soit 1 à 2 cuillères à-café par tasse de 100ml (correspondant à la quantité parfois mentionnée de 10-20 g par litre) ; la posologie recommandée est de 3 à 5g de fleurs/24H. P. LIEUTAGHI indique une posologie plus forte de 1-2 cuillères-à-soupe x 2 à 3 fois/j dans l’hypertension. Verser l’eau bouillante sur les fleurs et laisser infuser 15-20 mn ; réitérer les prises x 3 à 5 fois /j. pour calmer nervosité et extrasystoles.

 la TEINTURE-MERE au 1/5° : CRATAEGUS OXYACANTHA TM est réservée aux indications médicales cardiologiques, et peut être prise aussi pour un état neurotonique avec anxiété ; mais la posologie doit être guidée par un médecin phytothérapeute.
Pour la nervosité : 20 à 30 gouttes x 3 fois /jour par cures de 3 à 6 semaines, ou bien en monoprise le soir de 50 gouttes pendant plusieurs semaines.
Dans les indications cardiologiques, les posologies sur la base de 50 gouttes x 2 fois/j pourront être augmentées par pallier, jusqu’à 100 à 120 gouttes x 2 fois par jour, en jugeant de la tolérance.

une Aubépine chargée de cenelles
à FLEURY LA VALLEE, 89 Yonne

Précautions et Contrindications :
Toutefois, faisons remarquer qu’à notre époque moderne, dans ces indications cardiologiques, les patients doivent toujours être suivis par des cardiologues et traités par des thérapeutiques spécifiques.
L’association avec la DIGITALINE (DIGOXINE ®) est possible et non-dangereuse (TANKANOW, 2003). Cependant, de même qu’avec tous les traitements bradycardisants comme les BÊTA-BLOQUANTS, il y a risque de théorique de bradycardie excessive.
L’association à divers anti-hypertenseurs comme les Inhibiteurs calciques (type LOXEN ®, TILDIEM ®, ADALATE ®, ISOPTINE ®…) ou les Inhibiteurs de l’Enzyme de conversion (CAPTOPRIL ®, RENITEC ®, ZESTRIL ®, TRIATEC ®…) expose le patient à de possibles hypotensions, surtout chez la personne âgée, avec risque de chute. Sous ce type de traitement, toute automédication est absolument interdite.

 en GELULES et COMPRIMES : on trouve en herboristerie des Gélules d’AUBEPINE BIO 270mg (France-Herboristerie) posologie recommandée 2 à 4 gélules/j.

Cenelles dans la Vallée de Tourbenay
LA COUR BARREE, 89 Yonne

De nombreuses spécialités ont été commercialisée au XX° siècle, associant l’AUBEPINE à d’autres plantes :
Par ex. à visée cardiologique : CARDIOCALM ® cp enrobé : Extrait sec 100mg : indiqué dans « l’éréthisme cardiaque de l’adulte à cœur sain », les palpitations, et dans les états neurotoniques ; 1-2 cp x 3 fois/j.
 à visée nerveuse, tranquilisante : l’ EUPHYTOSE ® cp associe 4 plantes sédatives du système nerveux : AUBEPINE 10 mg, VALERIANE 50mg, PASSIFLORE 40mg, et BALLOTTE 10mg. Posologie : 1-2 cp x 3fois/j ; Bien que la dose d’AUBEPINE soit faible dans cette spécialité, la synergie des 4 plantes s’avère efficace dans les états nerveux ; on peut aussi prendre 2 cp au diner puis 2 cp au coucher ; ou une monoprise le soir de 3 dragées environ 1/2 H à 1H avant le coucher.
Le VAGOSTABYL ® cp associe AUBEPINE 50mg, MELISSE 45mg, du Calcium et du Magnésium ; l’Aubépine est ici plus dosée. Posologie recommandée : 2 cp x 2-3 fois/j ou : 2 cp au diner et 2 cp au coucher.
Le SYMPAVAGOL ® cp associe AUBEPINE 20mg et PASSIFLORE 40 mg ; posologie 2 à 6 cp/j.
Certaines de ces bonnes spécialités sont malheureusement en voie d’être supprimées.

PHARMACOPEE FRANÇAISE 

Liste A (ansm Janvier 2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) Bibliographie générale :

H. LECLERC « Précis de phytothérapie » p. 195-198

Jan VOLAK – Jiri STODOLA « Plantes médicinales » p. 131-132

Frantisek STARY « Plantes médicinales » p. 88-89

Dagmar LANSKA « Plantes sauvages et comestibles » p. 82-83

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1947, p. 128-131

Pierre LIEUTAGHI « Le Livre des bonnes herbes » p. 100-103

Pr J-P CHAUMONT – Dr J-M MOREL « Se soigner avec les plantes de Bourgogne » p. 28-29

Jacques FLEURENTIN « Du bon usage des plantes qui soignent » p. 240-241

Anna Maria BOTTICELLI – Clementina CAGNOLA « Les plantes médicinales » p. 78

Richard A. STEIN, Mehmet C. OZ « Complementary and Alternative Cardiovascular Medicine » Humana Press, 2004

2) Ouvrages anciens :

Pietri Andrea MATTHIOLI « Commentaires de Pierre André MATTHIOLE médecin senois, sur les 6 livres de DIOSCORIDE » trad. fr. Jean des Moulins, Lyon, 1579. P 122

Hieronymus BOCK dit « TRAGUS » (XVI°) cité in : Jean-Emmanuel GILIBERT « Histoire des plantes d’Europe et étrangères » (1806) Vol 1, § 1130 p 571

Jacques DALECHAMPS « Histoire générale des plantes » Lyon 1615, Tome 1°, Livre II, chap VII, p 112-114

François-Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes » 1868 p 112

Finley ELLINGWOOD « America Materia Medica, therapeutics and pharmacology » Chicago, 1915, p 217-220

3) Articles scientifiques :

(articles classés par ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :

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ASSESSMENT REPORT on Crataegus spp., folium cum flore 2016 Apr. EMA/HMPC/159076/2014

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Par Dr Dom COQUERET

Le dimanche 30 juillet 2017

Mis à jour le 14 août 2019