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BOUILLON BLANC

BOUILLON BLANC

Verbascum thapsus L.

et MOLENES

Article révisé et complété le 18/02/2019

un groupe de Bouillons blancs
près du Bief du Moulin
MAILLY LE CHÂTEAU (Yonne, 89)

Noms vernaculaires :

« Bouillon blanc » , Molène, Herbe de St Fiacre, Cierge de Notre-Dame, Fleur de chandelier
Le nom « bouillon » semble venir du gaulois latinisé « bugillo », lui-même issu d’un mot gaulois signifiant « mou ». La signification est la même que « molène » venant du vieux français « mol », en référence à ses feuilles recouvertes d’un duvet moelleux.

BOTANIQUE

Famille des Scrophulariacées

Plante bisannuelle : la 1° année, pousse au sol une rosette de larges feuilles lancéolées, épaisses et molles, blanchâtres duveteuses ;
puis la 2° année, pousse une hampe florale comme un cierge majestueux blanc-duveteux pouvant atteindre 160-180cm et même jusqu’à 2m de haut, non-ramifié. Les feuilles sont décurrentes, lancéolées et alternées le long de la tige.
Les fleurs jaunes d’or de 2-3 cm s’ouvrent au fur et à mesure qu’avance l’été ; elles ont 5 pétales, et 5 étamines orangées dont 2 glabres et 3 portant des poils blancs ; le stigmate est court, subsphérique ;
le fruit est une capsule à 2 loges contenant de nombreuses graines.

Pour les botanistes, le terme de « Bouillon blanc », stricto-sensu, doit être réservé au seul Verbascum thapsus.
Car il existe plusieurs taxons de « Molènes » très proches :
La MOLENE FAUX-PHLOMIS (Verbascum Phlomoïdes Schhrad.) a aussi l’aspect identique d’un haut « cierge » à tige unique ; aux belles corolles jaunes d’or, mais dont le stigmate est plus allongé ; elle a les mêmes propriétés.
La MOLENE NOIRE (Verbascum nigrum) dite « Bouillon noir », une variété proche, se reconnaît à ses étamines violacées et velues. Ses propriétés sont semblables.
Certaines molènes ont des tiges ramifiées ; la hampe florale prend alors l’aspect de « candélabre ».

HABITAT

Les Molènes sont largement répandues en Europe et vers l’Asie ; ce sont des plantes « rudérales » aimant les lieux incultes, plutôt secs, les terrains abandonnés, poussant volontiers sur les talus et les décombres, dans d’anciennes carrières ; et dans des landes qui ont été débroussaillées par le feu (écobuage).

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels 

Les molènes semblent faire partie des plus anciennes plantes médicinales reconnues par l’homme pour leurs propriétés émollientes, c’est-à-dire adoucissantes, et pectorales. Sous le nom de « Phlomis » Hippocrate au IV° s. avant J-C, puis DIOSCORIDE et PLINE au 1° siècle, les prescrivaient comme astringent sur le tube digestif, et émollient - expectorant sur la sphère pulmonaire. La plante s’appelait aussi « thryallis » parce que les feuilles une fois découpées en lanières servaient de mèche aux lampes.

Le PSEUDO-APULEE au IV° siècle mentionne l’utilisation du Bouillon blanc en application sur les articulations douloureuses atteintes de goutte

MERAT de VAUMARTOISE au début du XIX° siècle résume l’emploi qu’on en faisait dans les siècles précédents et à son époque : « Le bouillon blanc est estimé adoucissant, pectoral, émollient... On se sert de l’infusion des fleurs... C’est une boisson domestique, que les ménagères emploient souvent contre le rhume, le catarrhe, les coliques, les tranchées, les ardeurs d’urine, etc. »
« On les (les fleurs) associe souvent avec les fleurs de violette, de mauve et de coquelicot ; dans ce qu’on appelle les fleurs pectorales  ; les feuilles, en décoction, servent à préparer des lavements, des bains, etc, émollients, des lotions adoucissantes ; l’eau distillée des fleurs (est) indiquée contre les brûlures, l’érysipèle ».

CAZIN en 1868, qui fut phytothérapeute dans le Nord de la France, résume ainsi les propriétés du Bouillon blanc d’après son expérience : « Les feuilles et les fleurs sont pectorales, adoucissantes, antispasmodiques, émollientes. Elles conviennent dans les inflammations gastro-intestinales, le catarrhe pulmonaire, la toux, le crachement de sang, la phtisie. On a vanté le bouillon blanc contre la diarrhée, la dysenterie, la difficulté d’uriner. En topique les feuilles peuvent être utiles dans les douleurs hémorroïdales, dans les inflammations externes ».
Et il rajoute une précaution indispensable à son emploi : « Il est nécessaire de passer l’infusion de bouillon-blanc avant de la prendre, parce qu’il existe sur les fleurs de petits poils qui, s’arrêtant à la gorge, pourraient causer de l’irritation et provoquer la toux ».

Au début du XX° siècle, LECLERC cite que peu de temps avant lui, « En 1884, un médecin anglais, QUINLAN, a préconisé les fleurs fraiches bouillies dans du lait comme un médicament remarquable de la tuberculose pulmonaire ». Pour lui, « le bouillon-blanc constitue un remède utile dans les catarrhes aigus et chroniques des bronches ».

une Molène en "chandelier"
sur la Côte de Char
St MORE (Yonne, 89)

2) Composition & Pharmacologie 

Les recherches pharmacologiques ont isolé dans la plante :
 des mucilages (environ 3%) qui, tapissant les muqueuses, adoucissent les « catarrhes » du larynx et des bronches, et les irritations du colon.

 des flavonoïdes  : méthylquercétine, hespéridine... qui sont des anti-oxydants

 des polysaccharides, dont le verbascoside (appelé aussi actéoside) qui est un glycoside de phényléthanoïde ; on le trouve aussi dans le MARRUBE, le PLANTAIN, la VERVEINE ; il est immunomodulateur , anti-inflammatoire et antalgique.

 des iridoïdes : Aucuboside (ou Aucubine), Harpagoside, Harpagide ; ces 2 derniers sont des harpagosides également isolés de l’HARPAGOPHYTUM, qui confèrent à la plante des propriétés anti-inflammatoires.

 des saponosides aux propriétés « béchiques » c’est-à-dire expectorantes, et anti-tussives ; celles isolées des molènes ont été appelées « mulleinsaponines », parmi elles : des saikosaponines ; dans la plante, elles semblent jouer un rôle important de défense contre la prédation. Des graines, on a extrait d’autres saponines : les thapsuines A et B.

Des travaux menés avec des extraits de sommités florales et de feuilles ont montré des propriétés anti-infectieuses intéressantes : le Bouillon blanc est bactéricide sur le Staphylococcus aureus et le Streptococcus pyogenes, sur des entérobactéries comme l’E. Coli, Klebsiella pneumoniae et Pseudomonas aeruginosa ; mais encore trichomonicide sur le Trichomonas vaginalis (responsable de maladie sexuellement transmissible fréquente) ; et antiviral sur l’Herpès-virus et sur l’Influenza H7N7 dont il potentialise in vitro l’inhibition en association à l’adamantanamine (un antigrippal).

Les graines contiennent un toxique narcotique et paralysant pour l’homme, et piscicide ( qui engourdit les poissons et peut engendrer leur mort) ; les indiens d’Amérique s’en servaient pour la pêche.

une Molène "candélabre" au Lac des Settons,
dans le MORVAN (Nièvre, 58)

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES du BOUILLON BLANC

=> La grande indication du Bouillon blanc est pectorale. Il calme l’irritation du larynx et de la trachée, et les toux douloureuses des trachéo-

bronchites, y compris des bronchites asthmatiformes. En facilitant l’expectoration et en réduisant l’inflammation, il améliore les bronchites en quelques jours, ce que nous avons pu vérifier dans notre pratique. Il fait partie des « Sept Espèces pectorales  » avec la Mauve, la Guimauve, le Gnaphale, le Tussilage, le Coquelicot et la Violette.

Son action antitussive s’affirme également dans la toux sèche opiniâtre.

=> La plante est astringente et désenflamme aussi les muqueuses digestives : on peut la prescrire dans les inflammations buccales (stomatites), dans la gastrite, et surtout dans la colite avec diarrhées dont elle soulage les spasmes coliques ; elle soulage aussi les hémorroïdes.

=> Elle a été employée localement pour des dermatoses inflammatoires qu’elle soulage, les engelures, et pour faire mûrir les abcès et furoncles.

=> La Molène a été employée dans les céphalées migraineuses, et comme antinévralgique dans les névralgies faciales (indication signalée par FOURNIER).

un beau "cierge"

RECOLTE

 La racine, qui contient aussi des mucilages et principes actifs (saponines), n’est plus guère utilisée ; couper en rondelles, et faire sécher.
 Les fleurs sont principalement récoltées à des fins pectorales à partir de Juin et pendant tout l’été au fur et à mesure de leur floraison sur la hampe, et séchées rapidement, puis conservées en bocaux fermés, ou en sachets, à l’abri de la lumière.
 Les feuilles sont aussi prélevées, plutôt en vue d’applications locales.
 (les graines, toxiques, ne doivent pas être récoltées).

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSION de fleurs fraiches ou séchées, à filtrer impérativement dans un linge fin (afin d’éliminer les poils blancs irritants pour la gorge) 20-30 g/ litre ou 3-5 g / 150 ml soit 1 cuillère-à-soupe par tasse x 3 à 4 fois par jour.
ou mieux : en Association de plantes (apozème) dans la TISANE des 4 FLEURS où le BOUILLON BLANC est associé avec la MAUVE, le COQUELICOT, et le TUSSILAGE.
ou la TISANE des 7 FLEURS  : associant les 4 précédentes + la GUIMAUVE, le GNAPHALE, et la VIOLETTE. Ces deux tisanes composées sont remarquablement efficaces pour faciliter l’expectoration, réduire l’inflammation bronchique, et apaiser la toux dans les trachéo-bronchites.

 en DECOCTION de fleurs ou de feuilles : en gargarismes dans les inflammations buccales, ou en lavements dans la colite :10-20 g dans 300 ml d’eau (50-60 g/litre)

 en applications locales (cataplasmes) de feuilles bouillies dans du lait pendant 10mn.

 HUILE VULNERAIRE : 20 g de fleurs fraiches dans 1/4 de litre d’huile d’olive, macérées pendant au moins 10 jours (traditionnellement 21 jours au soleil, ou à proximité d’une source de chaleur) ; cette huile, qui est bactéricide, s’applique sur les abcès, furoncles, ulcérations...

une Molène noire sur le plateau du Jura
LAMURA (Jura, 39)

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Liste A (ansm, Janvier 2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 

1) Bibliographie générale :

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1947 ; ré-éd. 2010, p. 640-643

Pr CHAUMONT-Dr MOREL « Se soigner avec les plantes de Bourgogne » p. 42-43

Pierre LIEUTAGHI « Le livre des bonnes herbes » p. 12-125

Loïc GIRRE « Les plantes et les médicaments » p. 51

Fabrice BARDEAU « La pharmacie du Bon Dieu » p. 62-63

Henri LECLERC « Précis de Phytothérapie » p. 238-239

Francis DEBAISIEUX- J-M POLESE « Plantes médicinales » p. 32

Clotilde BOISVERT « Plantes et remèdes naturels » p. 130-131

PRADEL-BAQUERRE Mylène « Ps.-Apulée, Herbier, introduction, traduction et commentaire » Thèse Université Montpellier 2013 ; en ligne : www.biu-montpellier.fr

2) Ouvrages anciens :

François-Victor MERAT de VAUMARTOISE, Adrien Jacques DE LENS « Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale » Bruxelles, 1837, Vol. 4, p. 448-449

François Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes » Paris, 1868, p. 204-206

3) Articles scientifiques :

(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :
en langue anglaise, le Bouillon blanc et les Molènes sont nommés « MULLEIN » ou « COMMON MULLEIN »

MIYASE T, HORIKOSHI C, YABE S, MIYASAKA S, MELEK FR, KUSANO G. « Saikosaponin homologues from Verbascum spp. The structures of mulleinsaponins I-VII . » Chem. Pharm. Bull. 1997 ; 45(12) : 2029-33 (Tokyo, Japan)

SERKEDJIEVA J. « Combinated antiinfluenza virus activity of Flos verbasci infusion and amantadina derivates » Phytother. Res. 2000 ; 14(7) : 571-4 (Sofia, Bulgaria)

TURKER AU, GUREL E. « Common mullein (Verbascum thapsus L.) : recent advances in research » Phytother. Res. 2005 Sep ; 19(9) : 733-9 (Bolu, Turkey)

PANCHAL MA, MURTI K, LAMBOLE V. « Pharmacological properties of Verbascum thapsus » J. Pharmac. Science Rev. Research 2010 Nov-Dec ; 5(2) : 73-77 (Department of Pharmacology, Umrakh, Gujarat, India)

RIAZ M, ZIA-UL-HAQ M, JAAFAR HZE « Common mullein, pharmacological and chemical aspects » Revista Brasiliera de Farmacognosia 2013 Nov-Dec ; 23(6) (Swabi University, Ambar, Pakistan)

KASHAN ZF, ARBABI M, DELAVARI M, HOOSHYAR H, TAGHIZADEH M, JONEYDY Z. « Effect of Verbascum thapsus ethanol extract on induction of apoptosis in Trichomonas vaginalis in vitro » Infect. Disord. Drug Targets 2015 ; 15(2) : 125-30 (Kashan University, Iran)

PRAKASH V, RANA S, SAGAR A. « Studies on Antibacterial Activity of Verbascum thapsus » J. Medicinal Plants Studies 2016 ; 4(3) : 101-103 (Department of Biosciences, Himachal Pradesh University, Shimla, India)

une Molène accrochée
sur le mur du château
DOMECY sur CURE (Yonne, 89)

WEBOGRAPHIE 

www.fr.wikipedia.org
www.wikiphyto.org
www.eurekasante.fr
www.poivrecayenne.com
www.doctissimo.fr

Par Dr Dom COQUERET

Le lundi 31 juillet 2017

Mis à jour le 20 août 2019