MONOGRAPHIES >

BOURRACHE

BOURRACHE

BOURRACHE OFFICINALE

Borago (ou Borrago) officinalis L.

Article révisé en Août 2019

une famille de Bourraches
sur les hauteurs de QUENNE
(Yonne, 89)

Noms vernaculaires :

Bourrache, Langue de bœuf, Herbe à la sueur
Son nom provient de « burra » la bure qui, au moyen-Âge, désignait un vêtement rêche, une étoffe grossière à longs poils. Une autre étymologie serait arabe : « abû araq » signifiant « père de la sueur », surnom de la plante ramené d’Orient par les Croisés.

BOTANIQUE

Famille des Boraginacées

Plante annuelle dressée de 30-60 cm, ayant une racine longue et grosse comme le doigt ; la tige épaisse est creuse et « hispide » (c’est-à-dire recouverte de poils rudes et piquants) ; les feuilles sont pétiolées, elliptiques ou pointues, également recouvertes de poils rudes et denses ; les fleurs sont groupées en cymes, chaque fleur longuement pédonculée et penchée, à 5 sépales et 5 pétales d’un beau bleu céleste, et 5 étamines à anthères noires ; le fruit est un tétrakène de couleur noire.
La Bourrage est une plante très mellifère.
Les fourmis qui sont friandes de la caroncule des graines, contenant des corps gras, disséminent ainsi les graines.

HABITAT

La Bourrache est originaire du pourtour méditerranéen, d’Afrique du Nord. Elle a été cultivée par les arabes en Espagne. Elle pousse au bord des chemins, dans les terrains vagues, les anciens jardins tombés en friche à la sortie des villages, presque toujours dans les environs d’une ferme. Elle est bio-indicatrice d’un engorgement des sols en bases (sels minéraux) et en nitrates.

Bourraches sur le plateau de Galle-bique,
QUENNE (Yonne, 89)

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels

Dans l’Antiquité, son usage paraît avoir été confondu avec celui de la BUGLOSSE. Les Grecs l’appelaient « Euphrosyne », qui signifie la joie de vivre, la gaité, lui ayant reconnue des propriétés euphorisantes.

Au Moyen-Âge, la Bourrache était surtout une plante magique, qui servait à des philtres amoureux ; elle était réputée aphrodisiaque. Elle fut cultivée comme plante potagère, ses feuilles rajoutées dans la soupe. Elle aurait primitivement été appelée « corago » c’est-à-dire « courage » avant de s’appeler « borago ».

Le botaniste anglais John GERARD cite dans son « Herball » datant de 1597, un adage (qui semble remonter à l’Ecole de Salerne) :
« Ego Borago, Gaudia semper ago » qui signifie littéralement :
« Moi la Bourrache, je donne toujours des joies ».

Nicolas LEMERY, qui fut apothicaire sous Louis XIV, nous dit que toute la plante contient un suc visqueux épais, d’un goût fade ; elle contient beaucoup d’huile et de phlegme, peu de sel. « Elle adoucit les âcretés du sang et les autres humeurs, en liant ou condensant leur sel par son suc gluant ; elle lâche le ventre ; sa fleur est une des fleurs cordiales que les anciens ont établi dans leur Médecine ».

Ces 4 Fleurs cordiales étaient la Bourrache, la Buglosse, la Violette, et la Rose (ou l’Oeillet) ; elles servaient à ranimer rapidement la circulation en cas de défaillance, fluidifiaient le sang, et ranimaient les forces du malade.
Un dicton illustrait cet usage cordial :
« Dicit borrago : gaudia cordis ago » dont la traduction est :
« La bourrache dit : je mets le cœur en liesse ».
Cet apozème (mélange de plantes) était censé redonner des forces, ranimer la vitalité, susciter la joie, et chasser la mélancolie des hypochondriaques. Son emploi, dénigré, s’est perdu avec le temps.

Au début du XIX°, MERAT rédige encore que « la bourrache est estimée pectorale, adoucissante, légèrement sudorifique ; on emploie les feuilles et les fleurs dans le rhume, le catarrhe, les maladies éruptives, le rhumatisme, etc... on en fait un usage fréquent et presque domestique ». Mais il conclut aussi que cette plante « est presque abandonnée aujourd’hui ».

CAZIN à la fin du XIX° siècle relance son emploi : « La bourrache est très employée comme émolliente, diurétique et sudorifique. Elle convient dans les fièvres inflammatoires, bilieuses, muqueuses, le catarrhe pulmonaire, la pneumonie, le rhumatisme aigu, les affections éruptives (rougeole, variole, scarlatine, miliaire) ». Il assure que le sirop à base de suc de bourrache avait été fort utile à GILIBERT en 1785 à Lyon, au cours d’un grand nombre de pneumonies.

LECLERC, au début du XX° siècle, l’employait comme diurétique dans les oedèmes, les néphrites, en vertu de son pouvoir d’éliminer les chlorures. Il dit aussi que sa richesse en potassium explique une action élévatrice sur la tension artérielle et la surrénale.

fleurs de Bourrache

2) Composition & Pharmacologie 

 La plante est très riche en mucilages (environ 30%)
 et en sels minéraux : nitrate de potassium, calcium, manganèse, acide silicique, acide phosphorique, vitamine C ;

 Elle contient de l’Allantoïne (comme dans la CONSOUDE) qui a la propriété de régénérer les tissus, et de favoriser la cicatrisation.

 Une anthocyane donne à ses fleurs leur couleur azur.

 Les graines renferment 31% à 33% d’une Huile riche en acides gras poly-insaturés dont :
. l’acide linoléique(environ 30% à 40%)
. l’acide oléique (environ 15% à 20%)
. et surtout en acide gamma-linoléique (en moyenne 20% à 25%, parfois jusqu’à 28% : teneur la plus haute chez toutes les boraginacées) un oméga-6 qui réduit le cholestérol athérogène et a un effet anti-agrégant plaquettaire favorable à une bonne fluidité sanguine.

Le reste de l’huile est constituée, en moindre quantité, d’acides gras saturés comme :
. l’acide palmitique (10% à 11%)
. l’acide stéarique (3,5% à 4,5%)
. l’acide eicosanoïque (3,5% à 5,5%)
. l’acide érucique (1,5% à 3,5%)

 Les graines contiennent aussi des composants volatiles : du bêta-caryophyllène, du p-cymène-8-ol, des monoterpènes et des sesquiterpènes.

 La plante contient aussi des Phénols (acide rosmarinique principalement) qui sont des anti-oxydants.

 Mais la Bourrache renferme (dans sa racine, sa tige, ses feuilles et ses fleurs) des alcaloïdes pyrrolizidiniques hépatotoxiques (potentiellement responsables de cirrhose et de maladie veino-occlusive hépatique) ; ces alcaloïdes sont présents également chez d’autres boraginacées comme la GRANDE CONSOUDE, la VIPERINE, la PULMONAIRE... et surtout chez les SÉNEÇONS qui en contiennent à doses toxiques. Ce sont la Lycopsamine, l’Amabiline, la Supinine, et l’Intermédine (traces) ; heureusement ces alcaloïdes sont en très faibles quantités dans la Bourrache (< 0,001%), ce qui explique qu’aucune intoxication clinique n’ait été observée avec elle. Par principe de précaution, comme pour la CONSOUDE et la PULMONAIRE, leur administration devra rester ponctuelle.
Par contre, l’huile extraite des graines en est exempte.

Par ailleurs, les fleurs contiennent de la Thésinine, qui est aussi un alcaloïde pyrrolizidinique, mais non-toxique.

une Bourrache échappée d’un jardin
dans les vignes des Lys
MILLY, près de CHABLIS ( Yonne, 89)

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES de la BOURRACHE

=> en médecine populaire, c’est « la » plante sudorifique par excellence.
Diaphorétique, elle favorise, dans les maladies infectieuses fébriles (grippe et pneumopathies) ainsi que dans les maladies éruptives, la survenue de sueurs qui soulagent le malade (effet du nitrate de K des tiges et feuilles).
C’est une très vieille notion que connaissaient les anciens médecins que les plantes pouvant favoriser les sueurs (appelées « diaphorétiques ») comme la BOURRACHE ou le SUREAU, utilisées dans les maladies fébriles, accéléraient « l’élimination des toxines », procuraient un soulagement au malade, et hâtaient la guérison. Dans les maladies éruptives (rougeole, scarlatine, varicelle, exanthèmes divers...) elles évitaient les évolutions malignes et accéléraient la guérison.

=> On peut l’utiliser comme diurétique léger : dans les oedèmes, et les épanchements séreux (elle a été prescrite dans la pleurésie, l’épanchement du péritoine (ascite), et l’épanchement articulaire (hydarthrose).

=> Son action expectorante et émolliente (facilite la toux productive) l’indique, comme le BOUILLON BLANC et la PULMONAIRE, dans les bronchites et broncho-pneumopathies.

=> La Bourrache a été prescrite dans diverses inflammations articulaires, comme le rhumatisme articulaire aigu (qui associe une arthrite, avec hydarthrose et risque néphritique). Dans la Polyarthrite rhumatoïde, l’Huile ingérée entre 6 et 12 g/jour améliore le confort articulaire ; ce bénéfice résulte, sous l’effet de l’acide gamma-linoléique, de l’augmentation de la synthèse de Prostaglandine E et d’AMP cyclique qui entravent la synthèse du « tumor nécrosis factor-alpha » (une substance-clé dans le mécanisme inflammatoire de la Polyarthrite rhumatoïde).

=> L’Huile de Bourrache, extraite des graines, assouplit et rajeunit la peau, prévient les vergetures, atténue les rides. Elle améliore la xérose cutanée (sécheresse) ainsi que les « dermatoses sèches » comme l’eczéma, la dermatite atopique et le psoriasis.
Elle a une action nettement favorable sur le syndrome prémenstruel, notamment sur la rétention d’eau qui l’accompagne.
Des propriétés hypocholestérolémiantes et anti-agrégantes plaquettaires ont été mises en évidence avec cette huile, qui est donc recommandée aux athéroscléreux.

=> La Bourrache améliore la vitalité et l’humeur ; elle a été utilisée traditionnellement pour retrouver la joie de vivre, et même pour susciter le sentiment amoureux. Des études récentes ont confirmé un effet anxiolytique dans l’anxiété généralisée et dans les troubles obsessionnels compulsifs.

=> Elle a une action antibactérienne sur l’Helicobacter pylori (responsable de gastrites ulcéreuses) et possède un fort pouvoir amoebicide sur l’amibe pathogène (Entamoeba histolytica).

une Bourrache aimée des fourmis,
dans un jardin en agriculture bio,
FLEURY LA VALLEE (Yonne, 89)

USAGE CULINAIRE

 les jeunes feuilles, comestibles, ont un goût de concombre : elles sont préparées en salade, ou cuites au beurre ; également en soupe (bouillon)
 les fleurs bleues décorent les salades.

RECOLTE

 les fleurs fraîches, jeunes
 les feuilles et fleurs séchées : faire sécher longtemps, en les retournant
 les graines (akènes) pressées en huile

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 les fleurs en INFUSION : ou TISANES : 20 à 60 g/ litre, ou 1 cuillère-à-soupe de fleurs séchées par tasse ; faire infuser 10 minutes ; à prendre de façon répétée dans la journée, 3 à 5 fois par jour, au cours d’une grippe, d’une trachéo-bronchite, ou d’une maladie éruptive. A associer en cas de fièvre élevée aux Fleurs de SUREAU ; et dans toute pathologie broncho-pulmonaire, avec d’autres « espèces pectorales » : MAUVE, BOUILLON BLANC, TUSSILAGE et COQUELICOT.

 en DECOCTION de feuilles séchées : 30 à 40 g / litre dans les maladies fébriles ou éruptives (rougeole), grippe, catarrhes des voies respiratoires.

 en TEINTURE-MERE : BORRAGO OFFICINALIS TM se limiter à 15-20 gouttes x matin et soir

PRECAUTION-CONTRINDICATION :
L’utilisation phytothérapeutique des parties aériennes de la plante (en Infusion, décoction et TM) ne pose aucun problème hépatique pour des traitements limités à quelques semaines.
Par précaution : son association avec des médicaments hépatotoxiques comme les statines ou les antibiotiques macrolides (ERYTHROMICINE...) reste déconseillée.

 en HUILE de BOURRACHE : seule, pour son apport en acide gamma-linoléique pour un syndrome prémenstruel : à prendre 4 gélules quotidiennes x 10 à 14 jours dans la 2° partie du cycle ; ou à 2-3 gélules /jour en cures prolongées de plusieurs mois dans les indications de prévention de l’athérome et de « rajeunissement cutané ».
L’HUILE de BOURRACHE s’associe très bien à l’HUILE d’ONAGRE pour leur apport équilibré en Oméga 3 et Oméga 6 (on trouve des gélules d’HUILE de BOURRACHE-ONAGRE) : 2 gélules par jour par cures de plusieurs mois en complément alimentaire soit à visée nutritionnelle, soit en prévention de l’artériosclérose.

 en Applications locales : d’une décoction entre 50 et 100 g/ litre, en cataplasmes anti-inflammatoires sur les articulations enflées.

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Liste A (ansm Janvier 2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 

1) Bibliographie générale :

H. LECLERC : « Précis de Phytothérapie » p. 80-81

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1947, ré-éd. 2010, p. 177-179

L. BEZANGER-BEAUQUESNE, M. PINKAS, M. TORK, F. TROTIN « Plantes médicinales des régions tempérées » 2° éd. 1990, p. 247

Pierre LIEUTAGHI : « Le livre des bonnes herbes » p. 125-128

Loïc GIRRE : « Les plantes et les médicaments » p. 59-60

Pr CHAUMONT-Dr MOREL : « Se soigner avec les plantes de Bourgogne » p. 48-49

Gérard DEBUIGNE et François COUPLAN « Petit Larousse des Plantes médicinales » p. 44-45

Gérard DUCERF « L’encyclopédie des Plantes bio-indicatrices » Vol 2 p.106

Marie Claude PAUME : « Sauvages et comestibles » p. 18-19

C.P. KHARE « Indian Medicinal Plants » 2008, p. 97

Joanne BARNES, Linda A. ANDERSON, J. David PHILLIPSON "Herbal Medicines" 3° Ed. 2007, London, Pharmaceutical Press, p. 96-97

Clotilde BOISVERT : « Plantes et remèdes naturels » p. 135-136

Michel PIERRE : « Les plantes de l’herboriste » p. 32-34

Dagmar LANSKA : « Plantes sauvages et comestibles » p. 62-63

2) Ouvrages anciens :

Nicolas LEMERY « Dictionnaire universel des drogues simples » Paris, 1760, p. 12O-121

François-Victor MERAT, Adrien Jacques DE LENS « Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale » 1829, Vol. 1, p. 641-642

François Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des Plantes médicinales indigènes » 1868, p. 210-211

3) Articles scientifiques :

(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :
En langue anglaise, la Bourrache est nommée BORAGE :

KAST RE. « Borago oil reduction of rheumatoïd arthritis activity may be mediated by increased cAMP that suppresses tumor necrosis factor-alpha » Int. Immunopharmacol. 2001 Nov ; 1(12) :2197-9 (University of Vermont, Burlington, USA)

GILANI AH, BASHIR S, KHAN AU. « Pharmacological basis for the use of Borago officinalis in gastro-intestinal, respiratory and cardiovascular disorders » J. Ethnopharmacology 2007 Dec ; 114(3) : 393-9 (Karachi University, Pakistan)

SAYYAH M, BOOSTANI H, PAKSERESHT S, MALAIERI A. « Efficacy of aqueous extract of Echium amoenum in treatment of obsessive-compulsive disorder » Progress Neuropsychopharmacol. Biol. Psychiatry 2009 Nov ; 33(8) :1513-6 ( Ahwaz University, Iran)

GUPTA M, SINGH S. « Borago officinalis Linn. an important medicinal plant of Mediterranean region : Review » Intern. J. Pharmaceutical Sciences Review and Research 2010 ; 5(1) : 27-34

FOSTER RH, HARDY G, ALANY RG. « Borage oil in the treatment of atopic dermatitis » Nutrition, 2010, Jul-Aug ; 26(7-8) :708-18 (Auckland University, New Zealand)

LEOS-RIVAS C, VERDE-STAR MJ, TORRES LO, ORANDAY-CARDENAS A, RIVAS-MORALES C, BARRON-GONZALES MP, MORALES-VALLARTA MR, CRUZ-VEGA DE « In vitro amoebicidal activity of borage (Borago officinalis) extract on Entamoeba histolytica » J. Food Med. 2011 Jul-Aug ; 14(7-8) :866-9 (Nuevo Leon University, Mexico)

PIEZAK M, MIKOLAJCZAK P, MANIKOWSKA K. « Borage (Borago officinalis L.) - a valuable medicinal plant used in herbal medicine » 2012 ; 58(4) : 95-103 (Poznan, Poland) online in www.herbapolonica.pl

ASADI-SAMANI M, BAHMANI M, RAFIEIAN-KOPAEI M. « The chemical composition, botanical characteristic and biological activities of Borago officinalis : a review » Asian Pacific J. of Tropical Medicine 2014 Sep. ; 7S1 :S22-8 (Shahrekord University, Iran)

MORTEZA E, AKBARI GA, MOAVENI P, ALAHADADI I, BIHAMTA MR, HASANLOO T, JOORABLOO A. « Composition of the seed oil of the Borago officinalis from Iran » Nat. Prod. Res. 2015 ; 29(7) :663-6 (Tehran University, Iran)

DHARMANANDA Subhuti « Safety issues affecting herbs :pyrrolizidine alkaloïds » online www.itmonline.org (Institute for Traditional Medecine, Portland, Oregon, USA)

WEBOGRAPHIE 

www.wikiphyto.org
www.doctissimo.fr
www.fr.wikipedia.org
www.toildepices.com

Par Dr Dom COQUERET

Le mardi 1er août 2017

Mis à jour le 20 août 2019