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LIERRE TERRESTRE

LIERRE TERRESTRE

Glechoma hederacea L.

Article révisé et complété en Février 2019

un tapis de Lierres terrestres
au bord du Canal du Nivernais
Ste PALLAYE, 89 Yonne

Noms vernaculaires :

Courroie de St JEAN, Rondette, Drienne, Gléchôme

(Note : le « Lierre terrestre », qui est une petite labiée, n’a aucun rapport avec le « lierre » qui grimpe aux arbres, sinon l’allusion de « lierre » à son port rampant)

BOTANIQUE

Famille des Lamiacées (Labiées)

Petite plante vivace rampante très répandue ; à tiges rampantes pouvant s’allonger sur 50 à 60 cm, avec des nœuds d’où repartent des racines (dites adventices ou rejets radicants), puis les tiges carrées se redressent sur 10-30cm de hauteur ; les feuilles sont opposées, arrondies et crénelées, leur dessus légèrement luisant ; les fleurs bilabiées sont violacées pâles à l’aisselles des feuilles.

HABITAT

Le Lierre terrestre s’est répandu en Europe tempérée (sauf dans les régions trop chaudes méditerranéennes) et en Asie tempérée ; il a été naturalisé en Amérique du Nord.
Il aime croître sur les sols frais à l’orée des sous-bois, dans les clairières forestières, à l’ombre des haies. Par son pouvoir traçant, il peut devenir envahissant.

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels 

Il ne semble pas avoir été décrit dans l’antiquité gréco-romaine, en raison de son absence du pourtour méditerranéen.

Ce n’est qu’à partir du Haut Moyen-Âge, vers le VIII°-IX° siècle qu’il devient une plante médicinale, un remède populaire fidèle pour favoriser l’expectoration bronchique.

Au XVI° siècle, le botaniste anglais John GERARD l’indiquait pour le « tinnitus », vieille appellation pour désigner les acouphènes (bourdonnements et tintements d’oreilles).

Le Lierre terrestre fut un remède très prescrit aux XVII° et XVIII° siècle pour traiter la tuberculose pulmonaire, appelée « phtisie ». En favorisant l’expectoration, il apportait un soulagement aux malades.

Mais CULLEN, ce médecin écossais estimé, doutait que cette plante puisse amener la guérison : « Il me semble absolument dénué de probabilité qu’elle ait la vertu de guérir les ulcères des poumons et différentes espèces de phtisies ».

Nicolas LEMERY qui fut apothicaire parisien à l’époque de Louis XIV décrit dans la « Pharmacopée universelle » la composition d’un « Syrop de Lierre terrestre ». « Il est propre pour les maladies des poumons et de la poitrine, quand elle procèdent d’une pituite crasse qui tombe dessus, car il déterge et consolide ; il est bon pour l’asthme, pour lever les obstructions de la rate, du foie, du mésentère et de la matrice, il excite les mois ; c’est aussi un sudorifique ».

Au XIX° siècle, MERAT nous apprend qu’il était appelé auparavant « Hedera terrestris » dans les officines.
« Son plus grand usage a lieu pour les maladies de poitrine, comme incisive, propre à ranimer le tissu pulmonaire, et à faciliter l’expectoration muqueuse dans l’engouement bronchique, le catarrhe chronique, l’asthme, l’œdème des poumons, etc. Mais il ne faut pas croire que ce soit un remède assuré contre la phtisie, qu’elle cicatrise les ulcères des poumons, les tubercules excavés et suppurants, comme semblent l’affirmer Simon PAULI, ETTMULLER, MORTON, WILLIS... » (médecins qui avaient vanté l’emploi du Lierre terrestre dans le traitement de la tuberculose pulmonaire).
« On a aussi employé le lierre terrestre contre les maladies mentales ; on l’a regardé comme très-utile dans l’hypochondrie, la manie, la monomanie, etc. »
Il dit qu’il était « encore estimé stomachique, vulnéraire, et vermifuge ».

CAZIN, qui fut médecin de campagne dans le Nord de la France, nous dit en 1850 qu’il utilisait couramment cette plante « d’une odeur aromatique, d’une saveur balsamique, amère et un peu âcre, connue dans nos campagnes sous le nom de drienne... Je l’administre toujours avec confiance dans la période d’atonie des bronchites, dans la bronchorrhée, et en général dans toutes les affections de la poitrine où une expectoration muqueuse ou purulente se manifeste avec une certaine abondance. J’ai guéri, par le seul usage d’une forte infusion de lierre terrestre, des catarrhes pulmonaires chroniques qui, sans l’exploration des organes respiratoires, auraient été considérés comme des phtisies bien caractérisées ».
Comme vulnéraire, « le lierre terrestre est appliqué à l’extérieur en décoction, en cataplasme ou en poudre comme aromatique, résolutif et détersif. On l’employait autrefois, et on l’emploie encore dans nos campagnes, pour déterger les ulcères. On en faisait aussi un onguent contre la brûlure... »

LECLERC au début du XX° siècle trouvait préférable d’en prescrire le suc de plante fraiche sous forme de sirop, plutôt qu’en infusion théiforme. « Il exerce sur les muqueuses de l’appareil respiratoire une action analogue à celle de l’ Hysope qui en légitime l’emploi dans les hypercrinies bronchiques » (les hypersécrétions bronchiques).

FOURNIER cite l’abbé KNEIPP (un hydrothérapeute allemand du siècle précédant) « qui ordonnait la plante dans le catarrhe stomacal aussi bien que contre le catarrhe pulmonaire ».

Lierres terrestres
Ste PALLAYE, 89 Yonne

2) Composition & Pharmacologie 

Dès le milieu du XX° siècle, la composition chimique du Lierre terrestre fut partiellement connue (TAKEMOTO,1966), particulièrement riche en composés terpéniques, en flavonoïdes, en acides organiques, en acides gras...
 parmi les composés terpéniques, on a trouvé :
. des terpènes (surtout des monoterpènes) : alpha- et béta-pinène, limonène, p-cymène, alpha-terpinéol, linalool, béta-ocimène, tous antiseptiques ; du 1,8-Cinéole (ou Eucalyptol) qui est expectorant et anti-inflammatoire de la muqueuse respiratoire ; et du Menthol, ce dernier étant bien connu pour avoir été isolé des différentes espèces de Menthes, et pour ses propriétés : anesthésique, rafraichissant, désinfectant local, aromatisant, et acaricide.
. des triterpènes comme l’acide ursolique et l’acide oléanolique, qui sont des isomères, et ont des propriétés : hépatoprotective, antivirale, anti-inflammatoire et antitumorale (LIU J, 1995 et 2005)
. des cétones monoterpéniques : notamment la Menthone qui est cholagogue, anti-inflammatoire, et aromatisante ; la Pulégone qui est une cétone toxique pour le foie, les reins et les poumons, responsable de la toxicité de la Menthe Pouliot, mais ici présente en faible quantité ; ainsi que l’isomenthone, et l’isopinocamphone.
. et des sesquiterpènes : qui représentent plus de la moitié de l’Huile Essentielle : les Germacrène D et B, qui sont antibactériens et antifongiques ; et les gamma- et béta-Elémène ayant un intérêt potentiel sur divers types de cancers...

 des acides organiques : acide caféique, férulique, succinique...qui sont tous fortement antioxydants ; et l’acide rosmarinique, qui tire son nom du romarin où on l’a isolé, qui est antioxydant, astringent, antimicrobien et antiviral, anti-inflammatoire et antimutagenique (MATKOWSKI, 2008).

 des flavonoïdes, les 2 principaux étant :
l’Apigénine, qui est antiviral, anti-inflammatoire, et anticancéreux ;
et l’Hyperoside, un dérivé de Quercétine, trouvé aussi chez le Millepertuis, qui est un protecteur de la muqueuse gastrique...

 les 2 seuls alcaloïdes trouvés en petite quantité : les Hédéracine A et B (KUMARASAMY, 2003)

 une Lectine, appelée Gléhéda qui s’est révélée être un puissant insecticide (WANG, 2003) et (SINGH, 2006)

 des phytostérols, comme le Béta-sitostérol...

 et des acides aminés.

La composition de l’Huile Essentielle (HE), très riche en terpènes et en phénols, varie selon le chémotype de la plante, le biotope où elle a été récoltée, et la saison. Ainsi :
 MOCKUTE et al. en 2007 ont analysé 53 composés, dont les principaux sont :
Germacrène-D 14,1% - 20,7%
gamma-élémène 9 % - 16 %
béta-élémène 8,7% - 12,9%
phytols 2,8% - 15,6%
béta-ocimène 2,2% - 8,5%
1,8-cinéole 2,2% - 5,4%
béta-ylangène 2,7% - 4,1%
germacrène-B 2,2% - 3,9%

 et JUDZENTIENE et al. en 2015 sur 63 composants analysés dans des HE dont la distillation ne fournit que 0,05% par rapport à la plante sèche :
Les 5 principaux sont représentés par :
Germacrène-D 5,5% - 15,5%
sabinène 6,3% - 12,3%
1,8-cinéole 5,1% - 41,6%
béta-caryophyllène 7,3% - 19,3%
gamma-élémène 9,6%

Il faut rajouter que les propriétés anti-inflammatoires notables du Lierre terrestre, s’exerçant principalement sur l’arbre respiratoire, d’après les travaux pharmacologiques, sont médiés par les macrophages (une variété de globules blancs chargés des défenses anti-infectieuses). Ceux-ci contrôlent aussi les réactions inflammatoires de l’organisme. Les extraits de Lierre terrestre agissent sur les médiateurs de l’inflammation que sont l’Interféron gamma, les Lipopolysaccharides (LPS), les Interleukines (IL-6...), et le Tumor Necrosis Factor (ou TNF-alpha) (AN, 2006).

Lierre terrestre dans la fraiche vallée de la Cure
PIERRE PERTHUIS, 89 Yonne

3) Indications thérapeutiques du LIERRE TERRESTRE 

On le prescrit principalement comme :
=> Expectorant réputé depuis des siècles (« béchique »), il est indiqué dans les « catarrhes » des voies respiratoires, et les toux productives des bronchites aiguës. En conséquence de l’amélioration de l’expectoration des sécrétions bronchiques, il calme la toux, c’est un bon antitussif. Ce remède peut être utile aussi dans la bronchite chronique (BPCO), notamment des fumeurs où il existe une inflammation chronique de la muqueuse trachéo-bronchique, par cures alternées avec du BOUILLON BLANC lui aussi très expectorant, de l’HYSOPE très antiseptique, et du MARRUBE mucolytique anti-inflammatoire.

=> son action antioxydante et anti-inflammatoire s’exerce aussi sur d’autres parenchymes, ce qui l’a fait indiquer aussi comme hépatoprotecteur et néphroprotecteur.

=> quant aux propriétés antimutageniques et antitumorales, il faudra d’autres études pharmacologiques, et surtout des études cliniques pour en apprécier la portée.

USAGE CULINAIRE 

Le Lierre terrestre a fait partie des plantes utilisées pour aromatiser la bière, avant d’être supplanté par le Houblon.

Lierre terrestre au hameau de Montgaret
POURRAIN, 89 Yonne

RECOLTE

On récolte les tiges et sommités fleuries, dès l’apparition des fleurs.
Les faire sécher dans un local aéré, à l’abri du soleil.
A conserver en sachets-papier, ou en bocaux à l’abri de la lumière.

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSION : 1 à 2 cuillères-à-café par tasse (verser l’eau bouillante, et laisser infuser pendant 10 à 15 minutes) x 3-4 fois/j.
 en INFUSION dans du LAIT : une méthode simple et toute aussi efficace, selon Pierre LIEUTAGHI, « consiste à faire bouillir quelques minutes et infuser 1/4 d’heure 10 g de sommités de lierre terrestre dans un litre de lait : 2 à 3 tasses par jour, sucrées au miel »

 en TEINTURE MERE : GLECHOMA HEDERACEA TM 30 à 50 gouttes x 3 fois/j. cette forme galénique est très pratique d’emploi ; en cas de toux associée à un rhume, de toux de trachéite ou de trachéo-bronchite.

Associations intéressantes :
avec du BOUILLON BLANC, ou avec les Espèces PECTORALES (BOUILLON BLANC, MAUVE, VIOLETTE, TUSSILAGE...)

Contrindications : aucune.

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Liste A (ansm, Janvier 2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 

1) Bibliographie générale :

Henri LECLERC « Précis de Phytothérapie » p. 255

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1948, ré-éd. 2010, p. 567-569

Pr J-P CHAUMONT-DR J-M MOREL « Se soigner avec les plantes de Bourgogne » p. 130-131

Pierre LIEUTAGHI « Le Livre des bonnes herbes » p. 274-278

Loïc GIRRE « Les plantes et les médicaments » p. 63-64

Gérard DUCERF « L’encyclopédie des Plantes bio-indicatrices » Vol2, p.172

Fabrice BARDEAU « La pharmacie du Bon dieu » p. 153-155

2) Ouvrages anciens :

Nicolas LEMERY « Pharmacopée universelle » Paris, 5° éd. 1761, p. 187

François-Victor MERAT, Adrien-Jacques DE LENS « Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale » Volume 2, 1837, p. 337-338

3) Articles scientifiques :

(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :
en langue anglaise, le Lierre terrestre est nommé « GROUND IVY »

TAKEMOTO T, KASANO G, HIKINO H. « Constituents of ground ivy » Yakugaku Zasshi 1966 ; 86(12) : 1162-65 (Tohoku University, Japan)

LIU J. « Pharmacology of oleanolic acid and ursolic acid » J. Ethnopharmacol. 1995 Dec ; 49(2) : 57-68 (Kansas University, USA)

KUMARASAMY Y, COX PJ, JASPARS M, NAHAR L, SARKER SD.
« Biological activity of Glechoma hederacea » Fitoterapia, 2002 Dec ; 73(7-8) : 721-23 (Aberdeen University, UK)

KUMARASAMY Y, COX PJ, JASPARS M, NAHAR L, SARKER SD. « Isolation, structure elucidation and biological activity of hederacine A and B, two unique alkaloids from Glechoma hederacea » Tetrahedron, 2003 Aug ; 59(34) : 6403-07 ( Aberdeen & Liverpool Universities, UK)

WANG W, PEUMANS WJ, ROUGE P, ROSSI C, PROOST P, CHEN J, VAN DAMME EJ. « Leaves of the lamiaceae species Glechoma Hederacea (ground ivy) contain a lectin that is structurally and evolutionary related to the legume lectins » Plant J. for Cell and Molecular Biology 2003 Jan ; 33(2) : 293-304 (Katholieke Universiteit Leuven, Belgium)

LIU J. « Oleanolic acid and ursolic acid : research perspectives » J. Ethnopharmacol. 2005 Aug ; 100(1-2) : 92-94 (Laboratory of Comparative Carcinogenesis, USA)

SINGH T, WU JH, PEUMANS WJ, ROUGE P, VAN DAMME EJ, ALVAREZ RA, BLIXT O, WU AM « Carbohydrate specificity of an insecticidal lectin isolated from the leaves of Glechoma hederacea (ground ivy) towards mammalian glucoconjugates » Biochem. J. 2006 Jan ; 393(Pt 1) : 331-41 (Chang-Gung University, Taoyuan, Taiwan)

AN HJ, JEONG HJ, UM JY, KIM HM, HONG SH « Glechoma hederacea inhibits inflammatory mediator release in IFN-gamma and LPS-stimulated mouse peritoneal macrophages » J. Ethnopharmacol. 2006 ; 106(3) : 418-24 (Seoul University, Republic of Korea)

MOCKUTE D, BERNOTIENE G, JUDZENTIENE A. « The essential oil of Ground Ivy (Glechoma hederacea L.) growing wild in Easterm Lithuania » J. Esssent. Oil Res ; 2007 ; 19(5) : 449-51 (Institute of Chemistry, Vilnius, Lithuania)

KIKUCHI M, GOTO J, NOGUCHI S, KAKUDA R, YAOITA Y. « Glucosides from the whole plants of Glechoma hederacea L. » J. Nat. Med. 2008 Oct ; 62(4) : 479-80 (Tohoku Pharmaceutical University, Sendai, Miyagi, Japan)

MATKOWSKI A. « Antioxidant activity of Extracts and different solvent fractions of Glechoma hederacea L. and Orthosiphon stamineus (Benth.) Kudo » Adv. Clin. Exp. Med. 2008 ; 17(6) : 615-24 (Woclaw University, Poland)

KIM J, SONG S, LEE I, KIM Y, YOO I, RYOO I, BAE K. « Anti-inflammatory activity of constituents from Glechoma hederacea var. longituba » Bioorg. Med. Chem. Letters 2011 Jun ; 21(11) : 3483-87 (Chungnam National University, Republic of Korea)

JUDZENTIENE A, STONCIUS A, BUDIENE J. « Chemical comosition of the essential oils from Glechoma hederacea plants grown under controlled environnemental conditions in Lithuania » J. Essential Oil Res. 2015 ; 27(5) : 454-58 (Institute of Chemistry, Vilnius, Lithuania)

WEBOGRAPHIE

www.fr.wikipedia.org
www.wikiphyto.org
www.passeportsante.net

Par Dr Dom COQUERET

Le dimanche 6 août 2017

Mis à jour le 18 février 2019