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SAUGE des PRES

SAUGE des PRES

Salvia pratensis L.

Article révisé en Octobre 2019

une Sauge des prés sur la Grande Côte
d’IRANCY (Yonne)

Noms vernaculaires :

Sauge des prés, Sauge sauvage

BOTANIQUE

Plante vivace, à tige carrée simple ou peu ramifiée, mesurant 40 à 80 cm ; toute la plante est velue et visqueuse. Les feuilles basales sont disposées en rosette, pétiolées, ovales-allongées avec la base en forme de coeur, gaufrées, et crénelées sur les bords ; les caudales sont sessiles, lancéolées, plus petites. Les fleurs sont bleues presque violacées, disposées en verticilles étagés ; bractées vertes plus courtes que le calice ; celui-ci est pubescent (c’est-à-dire garni de poils, comme la Sauge sclarée) avec 13 nervures ; la corolle possède 2 lèvres : la supérieure bien arquée, l’inférieure trilobée ; 2 étamines (ce qui est une spécificité des Sauges au sein de la famille des Lamiacées) et 1 style long et fourchu qui, à maturité, dépasse la lèvre supérieure.
Tout comme la Sauge sclarée, elle possède des poils glanduleux appelés « trichomes », qui sont de petites excroissances sur les inflorescences (surtout sur le calice) et aussi sur les feuilles.
Cette Sauge a inventé un ingénieux système d’ « étamines à bascule » : ses 2 étamines basculent au passage de l’insecte, lorsqu’il s’enfonce au fond de la corolle pour y récolter le précieux nectar, déposant sur les poils de son dos du pollen. En pénétrant dans une autre fleur, ce pollen se dépose sur le style allongé sous la voute de la lèvre supérieure, et le féconde.

HABITAT

La Sauge des Prés est une des plus belles fleurs sauvages des pelouses calcaires médio-européennes. Ses fleurs d’un bleu soutenu se détachent des herbes des talus et des friches où elle aime pousser.
Elle est répandue en Europe tempérée, dans toute la France où son aire est plus septentrionale que les Sauges officinale et sclarée qui sont, elles, plus méridionales. On la rencontre aussi en montagne, des Alpes au Caucase, jusqu’à une altitude de 1900 m.
Possédant une racine profonde, elle résiste bien à la sécheresse.

une Sauge des prés sur le Causse Méjean,
Chaos de Nîmes le Vieux
(Lozère)

Plusieurs cultivars de« Salvia pratensis » ont été adaptés comme plantes ornementales.

USAGE MEDICINAL

1) Historique et usages traditionnels

François-Victor MERAT, au XIX° siècle, en décrit ainsi son usage traditionnel : « Elle est très aromatique, et possède à peu près les propriétés stimulantes de la Sauge officinale...qu’elle peut fort bien remplacer dans les campagnes, ainsi que la plupart des plantes de sa famille qu’on n’y possède pas, comme la lavande, le romarin, le polium, le thym, etc. »

une belle fleur de Sauge des prés
dans la Vallée de l’Anoureau,
à CHITRY (Yonne)

Pour François-Joseph CAZIN, qui fut phytothérapeute au XIX° siècle, la Sauge des prés « est aromatique et possède à un faible degré les propriétés de la Sauge officinale ».
En Europe centrale, la Sauge des prés a été utilisée en médecine traditionnelle à la place de la Sauge officinale (ANACKOV, 2008).

2) Composition & Pharmacologie

La Sauge des Prés contient des triterpénoïdes (ANAYA, 1989) :
. β-Amyrine
. Germanicol
. Lupéol
. Loranthol
Le Lupéol présent chez cette variété de Sauge a été isolé aussi chez le Lupin (d’où son nom), chez de nombreux fruits et légumes comme la mangue, le concombre, le chou, le raisin, le poivre, l’huile d’olive et le beurre de cacao ; ainsi que que chez diverses plantes médicinales comme la Verveine officinale ou le Souci des jardins... Il est stimulant du collagène (responsable de l’élasticité des tendons), anti-inflammatoire, et préventif de cancérogenèse ; il est aussi antimicrobien et antiprotozoaire (GALLO, 2009).

La composition chimique d’extraits de Sauges des prés récoltées en Serbie, obtenus par extraction à l’éthanol, montre que les constituants principaux sont le 1,8-Cinéole et le Caryophyllène (béta et oxide) comme chez d’autres Sauges et chez le Romarin à cinéole. Cette composition diffère selon l’organe floral :
. dans les fleurs :
1,8-Cinéole 8,0%
Caryophyllène oxide 7,4%
β-Caryophyllène 7,0%
. alors que dans les feuilles :
1,8-Cinéole 8,1%
α-Thujone 5,7%
β-Pinène 3,9% (VELICKOVIC, 2002)
Notons que cette variété renferme un peu de Thujone toxique : α-thujone 5,7% dans les feuilles et 10,8% dans les tiges ; et de β-thujone 0,9% dans les feuilles et 2% dans les tiges (mais c’est nettement moins que les 26% à 40% rencontrés chez la Sauge officinale).
En outre, cet extrait présentait une activité antibactérienne (sur les bactéries Gram + comme le Staphylococcus aureus, et les Gram - comme l’Escherichia coli) et antifongique (notamment sur le Candida albicans).

La Sauge des prés renferme une Huile Essentielle (HE), dont l’analyse révèle des composants à taux différents.
L’HE contient principalement des Monoterpènes (53,1%) parmi lesquels :
Sabinène 21,0%
Bornéol 7,1%
1,8-Cinéole 6,2%
Le reste étant des Sesquiterpènes caractéristiques :
γ-Muurolène 8,7%
β-Caryophyllène 8,1% (SENATORE, 1998)

Chez des spécimens de Sauges des prés récoltés en Serbie, le taux d’HE est bas 0,1%, soit 10 fois plus faible que celui de la Sauge officinale (1,1%). Les principaux composants isolés sont (VELICKOVIC, 2002) :
Thymol 29,9%
E-Caryophyllène 16,1%
p-Cymène 8,5%
Caryophyllène oxide 4,2%
γ-Terpinène 3,1%
Linalool 1,9%
α-Humulène 1,9%
n-Octadécane 1,9%
Carvacrol 1,8%
La Thujone n’est présente ici qu’à l’état de trace (0,4%) d’une HE à 0,1%. (Note : en comparaison par rapport à la Sauge officinale qui contient de 18% à 40% de Thujone, en moyenne 26%, d’une HE dont la concentration moyenne dans la plante est de 2%, le rapport de la quantité de Thujone dans la Sauge des prés est de 1300 fois plus faible que chez la Sauge officinale ! )

Chez d’autres Sauges des prés serbes, le rendement en HE était confirmé comme faible 0,073%, soit inférieur à 1%. Le composant principal était le E-Caryophyllène 26,4% (ANACKOV, 2008)

Chez des Sauges des prés récoltées en Hongrie, les 2 principaux sesquiterpènes sont le β-Caryophyllène et le γ-Muurolène (THEN, 2003).

Les propriétés pharmacologiques démontrées pour ces composants sont :
 Le β-Caryophyllène est un sesquiterpène présent chez les Sauges, le Romarin, le Poivrier... qui confère à ces plantes leur saveur poivrée. Il possède de nombreuses et intéressantes propriétés : antiviral, anti-inflammatoire et antalgique, spasmolytique et anxiolytique, et anti-oxydant hépatoprotecteur.
 Le 1,8-Cinéole, encore appelé Eucalyptol, est un oxyde monoterpénique présent aussi chez la Sauge sclarée et le Romarin, et chez les Eucalyptus, le Niaouli, l’Arbre à thé, le Ravintsara... C’est un expectorant puissant un mucolytique qui fluidifie les sécrétions bronchiques et qui « dégage les bronches » en facilitant l’expectoration. Il exerce en outre un effet anti-inflammatoire sur la muqueuse bronchique.

une Sauge des prés dans la Côte de Vaupiarry
St BRIS le VINEUX (Yonne)

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES de la SAUGE des PRES

Si un dicton provençal énonce, à propos de la Sauge officinale cultivée :
« Qui a de la Sauge dans son jardin, n’a pas besoin de médecin »,
un dicton bourguignon pourrait tout aussi bien déclamer, à propos de la sauvage Sauge des prés :
« Qui a de la Sauge dans son pré, de la maladie est protégé » !

En fait, cette Sauge sauvage est peu aromatique. Ses vertus sont les mêmes que celles de la Sauge officinale, mais leur puissance est beaucoup plus faible que cette dernière.
Toutefois on peut y avoir recours pour des pathologies courantes peu prononcées, dans les domaines suivants :
=> pour un effet tonique, stimulant, en cas d’asthénie ou de convalescence (comme les autres SAUGES, ou d’autres labiées comme le THYM, l’ORIGAN...)

=> pour un effet hormonal « oestrogène-like » doux en période ménopausique

=> en cas d’hypersudation ou de sueurs nocturnes

=> indiquée encore comme plante digestive , stomachique, et antispasmodique

USAGE CULINAIRE

La Sauge des prés est comestible.
On peut s’en servir pour aromatiser les plats de viande et les légumes (comme les autres Sauges).
Et l’on peut y faire appel comme succédané du thé, en infusion digestive.

RECOLTE

On récolte les parties aériennes : les inflorescences et les feuilles juste avant la floraison, au moment du solstice d’été, vers la St Jean (24 Juin), et pendant l’été.
Laisser sécher dans un local aéré pendant quelques semaines, puis conserver jusqu’à un an dans des bocaux de verre à l’abri de la lumière, ou dans des sachets-papier

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSIONS : ne pas hésiter à ’forcer’ sur la posologie pour avoir un effet thérapeutique : 1 cuillère-à-soupe de feuilles et d’inflorescences par tasse x 2 à 3 fois par jour par exemple en cas de troubles digestifs.
ou, tout simplement, au retour d’une promenade, en infusion digestive.
 en TEINTURE MERE : SALVIA PRATENSIS TM : 30 à 50 gouttes x 2 à 3 fois par jour ; dans les indications digestives, tonique, antispasmodique, ou ménopausique du remède.
Aucune contrindication d’emploi n’est signalée. (la quantité de Thuyone contenue n’étant qu’à l’état de traces).

un groupe de Sauges des prés
au lieudit "les Brelons"
près d’AUXERRE (Yonne)

PHARMACOPEE FRANÇAISE

non-répertoriée sur la Liste A (ansm Janvier 2017)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) Bibliographie générale

Pamela FOREY, Ruth LINDSAY « Plantes médicinales » p. 70
Guy LALIERE, Christophe ANGLADE, Christophe LERAY, Francis DEBAISIEUX « Plantes comestibles » p. 93

2) Ouvrages anciens

François-Victor MERAT, Adrien-Jacques DE LENS « Dictionnaire universel de Matière Médicale et de Thérapeutique Générale » Paris, 1834, Tome 6°, p. 193 ; ou Bruxelles, 1837, Tome 4°, p. 133-134

François-Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes » Paris, 1868, p. 958

3) Articles scientifiques

(classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents)
En langue anglaise, la Sauge des prés est appelée « Meadow Sage ».

ANAYA J, CABARELLO MC, GRANDE M, NAVARRO JJ, TAPIA I, ALMEIDA JF « A Lupeol derivated from Salvia pratensis » Phytochemistry 1989 ; 28(8) : 2206-08 (Universidad de Salamanca, Spain)

SENATORE F, DE FEO V. « Essential Oils from Salvia spp (Lamiaceae). II Chemical composition of the Essential Oil from Salvia pratensis L. subsp. haematodes (L.) Briqu. Inflorescences » J. Essential Oil Res. 1998 ; 10(2) : 135-37 (Universita degli Studi « Federico II », Napoli & Universita degli Studi di Salerno, Italy)

VELICKOVIC DT, RANDJELOVIC NV, RISTIC MS, SMELCEROVIC AA, VELICKOVIC AS « Chemical composition and antimicrobial action of the ethanol extracts of Salvia pratensis L., Salvia glutinosa L. and Salvia aethiopis L. » J. Serbian Chem. Soc. 2002 ; 67(10) : 639-46 (Pharmaceutical and Chemical Industry, Leskovac & Institute for Medicinal PLants Research, Belgrade, Serbia)

VELICKOVIC AS, RISTIC MS, VELICKOVIC DT, ILIC SN, MITIC ND. « The possibilities of the application of some species of Sage (Salvia L.) as auxiliaries in the treatment of some diseases » J. Serbian Chem. Soc. 2003 ; 68(6) : 435-45 (Medical Center « Mosa Pijade », Leskovac & Institute for Medicinal Plants Research, Belgrade & Faculty of Medicine, Nis, Serbia)

THEN M, LEMBERKOVICS E, MARCZAL G. « Study of plant anatomical characteristics and essential oil composition of hungarian Salvia species » Acta Horticulturae (ISHS) 2003 ; 597 : 143-48

ANACKOV G, BOZIN B, ZORIC L, VUKOV D, MIMICA-DUKIC N, MERKULOV L, IGIC R, JOVANOVIC M, BOZA P.« Chemical composition of essential oil and leaf anatomy of Salvia bertolonii Vis. and Salvia pratensis L. (Sect. Plethiophace, Lamiaceae) » Molecules 2008 Dec ; 14(1) : 1-9 (Faculty of Natural sciences, Novi Sad, Serbia)

GALLO MBC, SARACHINE M J. « Biological activities of Lupeol » Int. J. Biomed. Pharm. Sci. 2009 ; 3 (special issue 1) : 46-66 (Universidade de Sâo Paulo, Brazil)

WEBOGRAPHIE

www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-60195-synthese (Salvia pratensis L.)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Salvia_pratensis
www.wikiphyto.org/wiki/Lupéol
www.wikiphyto.org/wiki/Eucalyptol
www.florealpes.com/fiche_saugepres.php
https://www.compagnie-des-sens.fr/beta-caryophyllene/
www.luontoportti.com/suomi/fr/kukkakasvit/sauge-des-pres
http://floremonts.over-blog.com/article-30821057.html
http://www.fleurs-des-champs.com/fiche_salvia_pratensis.html
http://nature.jardin.free.fr/vivace/tl_salvia_pratensis.htm

Par Dr Dom COQUERET

Le mercredi 10 janvier 2018

Mis à jour le 7 octobre 2019