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SCABIEUSE

SCABIEUSE

SCABIEUSE des CHAMPS ou KNAUTIE des CHAMPS

Knautia arvensis (L.) Coult.

et

SUCCISE des PRES

Succisia pratensis Moench

Corrigé et complété le 3 Novembre 2021

Scabieuses des champs au Bois de la Ramée,
Massif de la Vanoise,
MERIBEL-MOTTARET, Savoie

Noms vernaculaires :

Scabieuse, Scabieuse des champs, Scabieuse des prés, Knautie des champs

BOTANIQUE

Famille des Caprifoliacées (auparavant : des Dipsacées)

Les Scabieuses et Knauties sont des genres si proches que seuls les botanistes avertis arrivent à les différentier !

Pour les tradipraticiens, les Scabieuses, Knauties, et Succises ont été considérées par l’usage avoir les mêmes propriétés, du moins des propriétés extrêmement proches.
Ainsi, la plante nommée stricto sensu « Knautie des champs » par les botanistes, est communément appelée Scabieuse des Champs (ou des Prés).
Et la « Scabiosa succisa L. » appelée « Scabieuse » (BEZANGEER-BEAUQUESNE et al.) et même « Scabieuse succise » (FOURNIER) correspondant à Succisa praemorsa (Gilib.) Asherson, est en fait la Succise des prés (Succisa pratensis) !

La Knautie des champs est une plante vivace dont la tige velue atteint 60 à 70 cm ; les feuilles basales sont entières ou peu découpées, tandis que les feuilles sont de plus en plus découpées au fur et à mesure de leur position élevée sur la tige. Le calice, vert, est pourvu de dents surmontées de soies noires. L’inflorescence est un capitule de couleur mauve-lilas, dont les fleurons tubulés périphériques sont plus grands que les fleurons centraux ; chaque « fleur » (fleuron) ayant 4 pétales (ce qui la diffère des véritables « Scabieuses » dont la corolle de chaque fleur possède 5 lobes)

Les fruits sont des akènes.

Citons 2 autres Knauties proches :
 la Knautie pourpre (Knautia collina Jordan ; syn : Knautia purpurea (Villars) Borbas) qui pousse dans les prairies sèches des Alpes et du Massif central.
 la Knautie à feuilles de cardère (Knautia dipsacifolia Host.) = Knautie des bois (Knautia sylvatica) dont les feuilles sont plus larges, lancéolées, finement dentées, avec une nervure centrale blanche.

Il existe aussi de nombreuses variétés de Scabieuses, dont :
 la Scabieuse colombaire (Scabiosa columbaria L.) dont les fleurs bleu-lilas sont sont plus grandes. La corolle de chaque fleur a 5 lobes.
 la Scabieuse des Bois (Scabiosa sylvatica L.) dont les feuilles sont grandes et dentées.
 la Scabieuse du Caucase (Scabiosa caucasica M Bieb)
 la Petite Scabieuse de Macédoine (Scabiosa rumelica Griseb. = Knautia macedonica Griseb.) dont la couleur est pourpre.
 la Scabieuse maritime (Scabiosa atropurpurea L.)
 la Scabieuse cendrée (Scabiosa cinerea (Lam.) Lapeyr.) dont les feuilles basales ressemblent à celles de la Primevère.

Quant à la Succise des Prés (Succisia pratensis Moench) : on la distingue par son rhizome, sa tige non-velue, ses feuilles opposées oblongues ; ses capitules bleu-lilas sont globuleux (hémisphériques).

Attention à ne pas confondre les Knauties, Scabieuses et Succises à la Jasione des montagnes qui présente aussi un capitule bleu très ressemblant, mais qui fait partie de la famille des Campanulacées, et dont chaque fleur tubulaire est une petite campanule.

HABITAT

Les Scabieuses et Knauties sont des plantes des régions tempérées, communes en France dans les prairies en plaine, et dans les Alpages des régions montagneuses des Alpes, du Massif central et des Pyrénées, sur sols calcaires plutôt secs.
Leurs biotopes s’étend dans les Balkans jusqu’au Caucase et aux plateaux iraniens.
Elles sont broutées par les bovins, et surtout par les moutons qui les affectionnent.
La Scabieuse colombaire se rencontre en Europe méridionale, en Asie, et en Afrique.
La Scabieuse atropurpurea, dite aussi « maritime » pousse dans les pays du pourtour méditerranéen, en particulier autour de la Turquie.
La Scabieuse arenaria pousse en Afrique du Nord (Algérie, Tunisie...)

Les Succises se rencontrent en montagne, sur terrains argilo-calcaires, plutôt en zones humides.

un capitule de Scabieuse colombaire au lieudit Montegarot,
LA COUR BARREE (Yonne)

USAGE MEDICINAL

1) Historique et Usages traditionnels

Inconnue ou inusitée dans l’Antiquité, la Scabieuse doit son nom à l’usage qui en était recommandée par l’Ecole de Salerne, en Italie au XIII° siècle, pour soulager les dermatoses prurigineuses, dont la plus caractéristique, et fréquente à cette époque, était la gale appelée « scabiose. »
On surnomma donc la plante du nom de la maladie !
Et on cite l’adage de l’Ecole de Salerne :
« Urbanus per se nescit pretium Scabiosae »
« Le citadin de lui-même méconnaît le prix de la Scabieuse. »

Pierandrea MATTHIOLI, botaniste italien et médecin à Sienne au XVI° siècle, mentionne deux Scabieuses : la grande, et la petite qui est surtout usitée. Il donne ce détail que la Scabieuse aurait été appelée « Psora » par un certain AËTIUS (ce qui attire l’attention sur une indication ancienne de la plante pour les maladies de peau, que l’on a continué d’appeler la « Psore » ou maladies « psoriques »).
« Pour dire quelque chose des vertus de la Scabieuse... elle est aussi merveilleusement bonne contre la roigne *, d’où elle a pris son nom : parce non seulement on ordonne sa décoction à boire tous les jours, ainsi aussi on en frotte les galles, du jus de l’herbe seule, ou mêlé avec autres onguents. Elle sert grandement aux maladies de la poitrine, en toutes parties qui servent à respirer, car elle évacue toute leur pourriture qui cause inflammation, et purge tous excréments qui chargent la poitrine.
Elle est souveraine contre les charbons pestilentiels **, appliquée dessus, tellement qu’on dit qu’elle fait fondre et évanouir telles tumeurs mortelles dans trois heures.
On fait boire avec grandissime profit trois onces du suc de la Scabieuse avec une drachme de Thériaque à ceux qui ont la peste dès le premier jour... Ce qui sert aussi grandement contre les morsures de bêtes venimeuses.
Le suc de la Scabieuse avec poudre de Chrysocolle, et peu de Camphre, nettoie lentilles, vitiligines, gratelles, bourgeons du visage, et autres infections de cuir... Particulièrement la racine de la grande Scabieuse est propre aux lichenes encore que ce mal vienne de la vérole. »
(Notes :
 * la « roigne » ou « rogne » est un mot ancien qui désigne la gale invétérée, la teigne, ou quelqu’ excroissance ;
 ** le Charbon est une infection cutanée provoquée par une bactérie, acquise au contact avec du bétail ou des carcasses, évoluant vers une nécrose tissulaire, une ulcération d’odeur « pestilentielle » c’est-à-dire nauséabonde).

Au XVII° siècle, François DE LA HAYE dans son livre « Le Médecin sincère » où sont décrits des remèdes simples d’origine minérale ou végétale accessibles au plus grand nombre, dit au sujet de ses propriétés cutanées : « De la décoction de ses racines prise pendant quarante jours guérit toutes formes de dartes, quand même elles seroient véroliques ».

François-Joseph CAZIN qui fut un grand phytothérapeute au XIX° siècle en résume les emplois passés : « La Scabieuse était autrefois regardée comme sudorifique, dépurative, etc. et employée dans les affections cutanées, la phtisie pulmonaire, la fin des pleurésies et des pneumonies, l’empyème, les catarrhes chroniques, les flueurs blanches, les fièvres malignes, les vertiges, la syphilis, et autres maladies aussi différentes... »
« Cette plante, que l’on peut regarder comme un faible tonique, est encore prescrite par quelques médecins. On la met principalement en usage dans les maladies chroniques de la peau, telles que les dartres, la teigne, la lèpre, etc. »
« La Scabieuse des bois, Scabiosa sylvatica L., dont les feuilles sont grandes, dentées,... peut remplacer dans la matière médicale la Scabieuse des champs. »
« La Succise a les mêmes propriétés que la scabieuse des champs, mais à un plus haut degré si l’on en juge par son astringence et son amertume. Cependant elle a été bien moins employée. »

Henri LECLERC qui fut médecin militaire au début du XX° siècle, et eut recours aux Simples pour soigner des blessés et des malades pendant la guerre 14-18, considérait la prétendue vertu dépurative de la Scabieuse comme négligeable. Par contre il affirmait que « la racine de la Scabieuse (en réalité « Scabiosa succisa » soit la Succise) peut rendre de réels services comme expectorant, à la période de début des affections aiguës de l’appareil respiratoire. On voit, sous son influence, les sécrétions bronchiques devenir plus fluides... J’ai relaté plusieurs cas de bronchites, de congestions pulmonaires, de broncho-pneumonies, de trachéites qui bénéficièrent de l’emploi de son extrait fluide... »

l’Abbé FOURNIER, en 1947, écrit à propos de la Scabieuse succise (Succisa praemorsa = Succisa pratensis) :« C’est cette plante qu’ont ordinairement en vue les auteurs qui parlent de la Scabieuse officinale. » « Actuellement, elle est peu usitée. Néanmoins, on lui reconnait des propriétés légèrement toniques, dépuratives, digestives, diurétiques, surtout expectorantes qui peuvent tenir en partie à ses saponines. En applications externes, on la donne comme calmant la douleur et résolvant les collections sanguines. On emploie donc soit les parties aériennes, soit la racine dans les maladies aiguës de l’appareil respiratoire, toux, enrouement, bronchite, congestions pulmonaires, broncho-pneumopathies, trachéites, etc... De plus, on applique les feuilles ou la racine hachées à l’état frais sur les dermatoses, les eczémas suintants, les inflammations, les ecchymoses, les ulcères, les glandes, les yeux malades, et leur décoction fournit de bons gargarismes contre les ulcérations de la bouche et de la gorge. »
Il écrit au sujet de la Scabieuse knautia (Knautia arvensis) : « Ces plantes sont dites amères, dépuratives, astringentes, expectorantes, vulnéraires et détersives. Matthiole insiste longuement sur les bons effets de la décoction et même du suc dans les affections des voies respiratoires ; de plus, il indique comme très efficaces les applications de feuilles contuses sur les furoncles et les anthrax, même sur les morsures de serpents. »
Et à propos de la Scabieuse colombaire (Scabiosa columbaria), il écrit : « La Scabieuse doit son nom à son ancien emploi contre la gale (en latin Scabies)... Ses propriétés sont à peu près celles de l’espèce précédente (la Succise), quoique moins prononcées. On en recommande l’infusion dans les fièvres légères et les maladies infantiles, rougeole, varicelle et oreillons. »

une Scabieuse des champs butinée par un papillon

2) Composition & Pharmacologie

Les analyses des composants des Scabieuses ont été faites dans divers pays sur des espèces variées : Scabiosa succisa, Scabiosa columbaria, Scabiosa arenaria, Scabiosa atropurpurea, Scabiosa comosa, Scabiosa stellata, Scabiosa prolifera... Les composants principaux appartiennent aux familles biochimiques des Flavonoïdes, des composés triterpénoïdes (dont des Saponines et des Iridoïdes), et des Stérols.
Sans détailler systématiquement dans quelle espèce le composé a été isolé, nous listons ici les composés jusqu’à présent isolés dans le genre Scabiosa (PINTO, 2018) :
 a) des Flavonoïdes :
Apigénine
Astragaline
Cynaroside
Diosmétine-7-O-β-glucoside
Hypérine
Isoorientine
Isovitexine
Kaempférol et dérivés glycosidiques
Lucénine
Lutéoline et dérivés
Quercétine et dérivés
Swertiajaponine (-rhamnosyl-)
Tiliroside
Vitexine
 b) des dérivés Terpénoïdes (incluant des Saponines et des Iridoïdes) :
7-O-(E-Caffeoyl) Sylvestroside I
Cantleyoside
Eustomoruside
Eustomoside
Hookeroside A et B
Acide Loganique
Loganine
Palustroside III
Scabiosaponine A, B, C, D, E, F, G, H
Scabiostellatosides
Scabioside A, B, C, D
Septemfidoside
Songoroside A,C, E ...
Sweroside
Swertiamarine Sylvestroside
Ursolique (acide)
 c) des Stérols :
Stigmastérol
β-Sitostérol-β-D-glucoside
Ces composés polyphénoliques et triterpénoïdes (dont des iridoïdes) ont des propriétés pharmacologiques intéressantes : antibactérienne, anti-inflammatoire, anticancéreuse... (PINTO, 2018).

L’analyse des fleurs de Knautia arvensis dite « Scabieuse » des Champs
chez qui avait auparavant été trouvée de la Knautiauside, une Saponine, a permis d’isoler des composés phénoliques :
. les acides : Chlorogénique et Cryptochlorogénique
. l’ acide 2-O-trans-Caffeoylhydrocitrique
. l’Isovitexine 7-bêta-D-glucopyranoside
. le 7,4’-dihydroxy-5-Méthoxyflavone-6-C-bêta-D-glucopyranoside
. les acides 3,5-0-dicaffeoylquinine et 4,5-O-dicaffeoylquininque
. ainsi que le 7,3’,4’-trihydroxy-5-Méthoxyflavone-6-C-bêta-D-glucopyranoside (MOLDOGH, 2011)

Scabiosa arenaria Forssk. est une espèce de Scabieuse endémique d’Afrique du Nord. L’Huile Essentielle (HE) de spécimens récoltés en Tunisie, extraite par hydrodistillation à partir des 3 parties de la plante (fleurs, tige et feuilles, graines) ont permis l’identification de 61 composants.
Le taux d’HE était faible : le plus bas dans les graines 0,012%, et le plus élevé dans les fleurs 0,028%.
 Les principaux composants de l’HE des Fleurs (> 1%) sont :
Chrysanthénone 38,52%
Camphre 11,75%
alpha-Thujone 9,50%
alpha-Fenchol 5,86%
Longifolène 3,96%
Filifolone 3,72%
Germacrène D 1,98%
trans-Alloocimène 1,68%
Bornéol 1,49%
Camphène 1,39%
alpha-Longipinène 1,29%
Piperonal 1,17%
Spathulenol 1,17%
Terpinène-4-ol 1,01%
1,8-Cinéole 1,00%
dans les Fleurs, la majorité est constituée de Monoterpènes (81,29%), suivie de loin par les Sesquiterpènes (13,51%).
 Dans l’HE des tiges et des feuilles, les 3 principaux composants étaient les mêmes que dans les fleurs, à des taux assez comparables :
Chrysanthénone 23,43%
Camphre 12,98%
alpha-Thujone 10,70%
 dans l’HE des graines, par contre, les constituants majoritaires étaient la Thuyone (alpha et bêta) totalisant près de 50% ; la présence a un taux si élevé de ces cétones rendent la graine toxique.
alpha-Thujone 34,39%
Camphre 17,48%
bêta-Thujone 15,29% (BESBES, 2012).

L’action antibactérienne de l’HE extraite des fleurs de Scabiosa arenaria est très nette sur le Staphylococcus aureus (CMI 0,1562 mg/ml) tout à fait comparable à celle du Thymol (CMI 0,2 mg/ml) ; elle est plus modérée sur les Staphylococcus epidermidis et saprophyticus (CMI 5 mg/ml) et l’Enterococcus faecalis (CMI 10 mg/ml) ; ainsi que sur les entérobactéries Gram négatives ( E. coli, Klebsiella pneumoniae, Serratia marcescens... avec des CMI à 5 mg/ml). A noter l’inefficacité sur le redoutable Pseudomonas aeruginosa.
Il en est déduit que l’effet antibactérien résulte de la haute teneur en Monoterpènes, et en particulier de la Chrysanthénone.

Testées sur les Candidoses (Candida albicans, parapsilosis, krusei, et glabrata), les HE de cette Scabieuse s’avèrent anti-candidosiques ; l’HE de graine est la plus puissante (CMI 0,625 mg/ml) due à ses Cétones ; celle des Fleurs et des Feuilles plus modérée (CMI 2,5 mg/ml) (BESBES, 2012).

Deux autres études sur cette même Scabiosa arenaria tunisienne montrent : que la fraction butanolique d’extrait de la racine possède une action inhibitrice de l’acétyl-cholinestérase (l’enzyme qui dégrade l’Acétylcholine), relevant donc le taux d’Acétylcholine (HILLA, 2015) ;
Puis, la même équipe retrouve comme principaux constituants actifs des fleurs : la Lutéoline, l’acide 1,4-O-dicaffeoylquinique, et les 7-O-glucosides d’Apigénine et de Lutéoline. C’est la Lutéoline la plus anti-oxydante ; elle peut être utilisée en protection et au bénéfice de la santé humaine (HILLA, 2016).

Scabiosa stellata fait partie de la Pharmacopée traditionnelle marocaine. L’analyse a permis d’isoler 35 composés phénoliques, parmi lesquels l’Isoorientine et l’acide 4-O-Cafféoylquinique sont les composants majoritaires, en relation avec le pouvoir anti-oxydant de la plante (RAHMOUNI, 2018).
Deux nouveaux iridoïdes ont aussi été découverts dans cette espèce, le 7-O-Caffeoyl-Sylvestroside et le 7-O-(p-coumaroyl)-Sylvestroside ; qui sont anti-oxydants, antibactériens sur Enterococcus faecalis et Staphylococcus epidermidis. Ils possèdent une action anti-tyrosinase. Le premier est encore modérément cytotoxique sur une lignée cellulaire de fibrosarcome (LEHBILI, 2018).

Chez Scabiosa atropurpurea, les principaux composés phénoliques actifs sont : la Lutéoline et son glucoside le Lutéoline-7-O-β-D-glucoside, l’acide Chlorogénique méthyl ester, et le Lutéoline-7-rutinoside.
Ils ont un fort pouvoir anti-oxydant, sont hépatoprotecteurs (dans l’intoxication du rat au CCL4), et anti-diabétiques en limitant l’hyperglycémie post-prandiale chez l’animal non-insulinoprive, en inhibant l’ α-glucosidase et l’ α-amylase (ELHAWARY, 2011).
Des Iridoïdes et séco-iridoïdes ont aussi été isolés chez cette espèce, dans les racines et les parties aériennes : Loganine, acide Loganique, Sweroside, et Cantleyoside (POLAT, 2010).
Des tests pharmacologiques avaient déjà révélé chez cette espèce un effet analgésique et antipyrétique (MARUHENDRA-REQUENA, 1987), ainsi qu’une action antibactérienne et anti-inflammatoire (SAENS-RODRIGUEZ, 1987).

Scabiosa columbaria, la Colombaire, est une plante ethnomédicinale, utilisée en cas de coliques, brûlures d’estomac, problèmes respiratoires, brûlures, infertilité féminine et troubles menstruels, maladies vénériennes, dermatoses infectées, et même pour des emplois magiques. Ses composés majeurs sont : la Scabiosine, la Loganine, le Sweroside, les acides palmitique et phtaliques, et les phtalates. Leurs propriétés sont : antibactérienne, antifongique, et anti-protozoaire (MAROYI, 2019).

Des Scabieuses asiatiques : Scabiosa comosa et tchilliensis, sont utilisées en Médecine traditionnelle de Mongolie intérieure pour des affections hépatiques. Ont été isolés de ses variétés les constituants principaux : les acides 3,4- , 3,5- , et 4,5-dicaffeoylquiniques, l’acide Chlorogénique, et des dérivés d’Apigénine et de Lutéoline. Parmi eux, les plus anti-oxydants sont l’acide Chlorogénique et l’acide 3,5-dicaffeoylquinique ; ils possèdent une action antivirale, anti-HCV (contre le virus de l’Hépatite C) (MA, 2016).

une Knautie pourpre en lisière du Bois de la Ramée,
MERIBEL-MOTTARET (Savoie)

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES des SCABIEUSES

La plus « officinale » de cette famille de plantes usitées en Phytothérapie est la Succise des prés (souvent appelée« Scabieuse succise ») . Mais la Scabieuse des champs, bien que moins puissante, de même que d’autres Scabieuses, sont également utilisées pour les mêmes indications.

=> la principale indication des « Scabieuses » (Knautia et Scabiosa) reste, du fait de leurs propriétés antibactériennes et anti-inflammatoires, le traitement des dermatoses : dermite inflammatoire, eczéma surinfecté, folliculite, furoncles, anthrax, dartres mycosiques...
Toutefois, même si la tradition l’a fait utiliser dans les épidémies de gale à tel point que cet emploi a donné son nom à la plante, nous ne saurions en recommander l’emploi, tant cette affection très prurigineuse et extrêmement contagieuse due à un acarien (Sarcoptes scabiei) est devenue résistante et difficile à éradiquer.

=> les Scabieuses peuvent être prescrites dans toutes les affections bronchiques (bronchite, trachéite, catarrhe des voies respiratoires, rougeole...) où il semble que se sont les composés terpénoïdes et les iridoïdes qui désenflamment la muqueuse bronchite.
Il est évident que le traitement de la tuberculose passe par l’utilisation d’une polythérapie anti-tuberculeuse. Mais l’emploi traditionnel qui a fait utiliser les Scabieuses dans la « phtisie » pour faciliter l’expectoration et la respiration, attire l’attention sur un effet anti-inflammatoire exercé sur la muqueuse qui pourrait les faire adjoindre en association avec d’autres plantes expectorantes et anti-inflammatoires.

=> une action antipyrétique et analgésique a été découverte (chez l’animal), mais nécessiterait confirmation chez l’homme...

=> Quant à leurs indications« dépuratives », elles semblent être trop minimes pour qu’on les retienne. Mieux vaut utiliser du CHARDON-MARIE, de la CHICOREE, de la SAUGE, du PISSENLIT... pour « nettoyer » les toxines d’un patient.
Toutefois, la richesse en Flavonoïdes et en Triterpènes chez toutes les espèces de Knauties, Scabieuses, et chez la Succise des prés, leur confèrent un pouvoir anti-oxydant notable, hépatoprotecteur, antiviral... et grâce à la présence de substances majeures comme l’Apigénine, l’Acide Chlorogénique et la Lutéoline, plusieurs auteurs concluent en l’intérêt de ces plantes pour la santé humaine.

RECOLTE

La « Scabieuse » considérée par la tradition comme la plus officinale, celle qu’il convient de récolter surtout, est la « Scabieuse succise » ou « Succise des prés ». Toutes les parties sont médicinales : la racine et les parties aériennes.
Afin de ne pas raréfier cette plante de montagne, nous nous interdisons de l’arracher pour en prendre les racines, et conseillons de ne récolter que les fleurs (les capitules mauves).
Dans les plaines et les collines septentrionales, on cueillera les inflorescences des « Scabieuses’des champs » et des prés (= Knauties).
A laisser sécher dans un local aéré, à l’abri de la lumière ;
puis à conserver pour l’hiver dans des bocaux en verre ou des sachets en papier.

une Succise des prés à BEUZEC-CAP SIZUN
(Finistère-Sud)

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSION : 2 à 3 cuillères-à-café de fleurs sèches (jusqu’à une cuillère-à-soupe) par tasse de 150 ml. Porter l’eau à frémissement, laisser infuser 10 à 15 minutes. prendre 3 à 4 infusions/ jour pour les indications broncho-respiratoires de la plante, et même en cas de dermatose.

 en DECOCTION de fleurs : jusqu’à 50 à 100 grammes par Litre ; porter à ébullition, et laisser frémir l’eau à la limite de l’ébullition pendant 15 à 20 minutes. Laisser refroidir ; utiliser en lavage pour nettoyer la peau, puis en compresses locales sur une dermite, un furoncle, une dartre...

PHARMACOPEE FRANÇAISE

Knauties, Scabieuses et Succises ne sont pas répertoriées dans la version de l’Ansm du 1° Juillet 2019

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) Bibliographie générale

SELECTION du READER’S DIGEST « Secrets et vertus des plantes médicinales » 1977, p. 273
Henri LECLERC « Précis de Phytothérapie » 1983, p. 260
L. BEZANGER-BEAUQUESNE, M. PINKAS, M. TORCK, F. TROTIN « Plantes Médicinales des régions tempérées » 2° Ed. 1990, p. 328-329

2) Ouvrages anciens

Pierandrea MATTHIOLI, trad. Jean DES MOULINS « Commentaires de M. Pierre André MATTHIOLE medecin senois sur les six livres de Pédace DIOSCORIDE anazarbéen, de la matière médicinale » Lyon, 1579, Chap XI, p. 551-552

François DE LA HAYE « Le Médecin sincère », Lyon, 1691, p. 683

François-Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes » (2° Ed.) 1858, p. 868-870

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes Médicinales et Vénéneuses de France » 1947, ré-Ed. 2010, p. 876-878

3) Articles scientifiques

(classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents)

MARHUENDA-REQUENA E, SAENZ-RODRIGUEZ MT, GARCIA-GIMENEZ MD. « A contribution to the pharmacodynamic study of Scabiosa atropurpurea L. I. Analgesic and antipyretic activity » Plant Med. Phytother. 1987 ; 21 : 47-55

SAENS-RODRIGUEZ MT, GARCIA-GIMENEZ MD, MARHUENDA-REQUENA E. « A contribution to the pharmacodynamic study of Scabiosa atropurpurea L. II. Antiinflammatory and antibacterial activity » Plant Med. Phytother. 1987 ; 21 : 203-08

ALMEIDA RN, NAVARRO DS, BARBUA-FILHO JM. « Plants with central analgesic activity » Phytomedicine 2001 ; 8(4) : 310-22 (Universidade federal da Paraiba, Joâo Pessoa, Brazil)

POLAT E, ALANKUS-CALISTAN O, KARAYILDIRIM T, BEDIR E. « Iridoids from Scabiosa atropurpurea L. subsp. maritima Arc. (L.) » Biochem. System. Ecol. 2010 ; 38 : 253-55 (Ege University, Izmir, Turkey)

ELHAWARY SS, ELTANTAWY ME, SLEEM AA, ABDALLAH HM, MOHAMED NM. « Investigation of phenolic content and biological activities of Scabiosa atropurpurea L. » World Appl. Sci. 2011 ; 15 : 311-17 (Faculty of Pharmacy, Cairo University, Cairo, Egypt & King Abdulaziz University, Jeddah, Saudi Arabia)

MOLDOGH J, SZAJWAJ B, MASSULO M, PECIO L, OLESZEK W, PLACENTE S, STOCHMAL A. « Phenolic constituents of Knautia arvensis aerial parts » Nat. Prod. Comm. 2011 Nov ; 6(11) : 1627-30 (Institute of Soil Science and Plant Cultivation, Pulawy, Poland & Universita degli Studi di Salerno, Fisciano, Italy)

BESBES M, OMRI A, CHERAIEF I, DAAMI-REMADI M, BEN JANNET H, MASTOURI M, AOUNI M, SELMI B. « Chemical composition and antimicrobial activity of Essential Oils from Scabiosa arenaria Forssk. growing wild in Tunisia » Chem. Biodivers. 2012 Apr ; 9(4) : 829-39 (Faculté de Pharmacie de Monastir & CHU Fattouma BOURGUIBA de Monastir, Tunisia)

HILLA MB, MOSBAH H, MSAADA K, BEN JANNET H, AOUNI M, SELMI B. « Acetylcholinesterase inhibitory and antioxidant properties of roots extracts from the Tunisian Scabiosa arenaria Forssk » Industrial Crops and Products 2015 May, 67 : 62-69 (University of Monastir, Tunisia)

MA JN, BOLRAA S, JI M, HE QQ, MA CM. « Quantification and antioxidant and anti-HCV activities of the constituents from the inflorescences of Scabiosa comosa and S. tchilliensis » Nat. Prod. Res. 2016 ; 30(5) : 590-94 (Inner Mongolia University, HUHHOT, China)

HILLA MB, MOSBAH H, ZANINA N, BEN NEJMA A, BEN JANNET H, AOUNI M, SELMI B. « Characterisation of phenolic antioxidants in Scabiosa arenaria flowers by LC-ESI-MS/MS and NMR » J. Pharm. Pharmacol. 2016 Jul ; 68(7) : 932-40 (University of Monastir, Tunisia)

LEHBILI M, ALABDUL MAGID A, HUBERT J, KABOUCHE A, VOUTQUENNE-NAZABADIOKO L, RENAULT JH, NUZILLARD JM, MORJANI H, ABEDINI A, GANGLOFF SC, KABOUCHE Z. « Two new bis-iridoids isolated from Scabiosa stellata and their antibacterial, antioxidant, anti-tyrosinase and cytotoxic activities » Fitoterapia 2018 Mar ; 125 : 41-48 (Université des Frères Mentouri, Constantine, Algérie & ICMR-UMR CNRS et Faculté de Pharmacie de Reims, France)

RAHMOUNI N, PINTO DCGA, BEGHIDJA N, BENAYACHE S, SILVA AMS. « Scabiosa stellata L. phenolic content clarifies antioxidant activity » Molecules 2018 May ; 23(6) : pli : E1285

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WEBOGRAPHIE

https://fr.wikipedia.org/wiki/Scabieuse
https://fr.wikipedia.org/wiki/Knautie_des_champs
https://fr.wikipedia.org/wiki/Succisa_pratensis

https://www.florealpes.com/fiche_knautiechamps.php
https://www.florealpes.com/fiche_scabieusevetue.php
https://www.florealpes.com/fiche_succise.php?PHPSESSID=007e613d5439c0b2945d31d8492e8918

https://fr.wikipedia.org/wiki/Scabieuse_colombaire

http://nature.jardin.free.fr/vivace/ig_scabiosa_columbaria.htm

https://jardinage.lemonde.fr/dossier-2908-scabieuse-pres.html

https://www.complements-alimentaires.co/scabieuse/#scabieuse_proprietes_therapeutiques_et_medicinales

Par Dr Dom COQUERET

Le mardi 3 décembre 2019

Mis à jour le 3 novembre 2021