AIL DES OURS
Allium ursinum L.
Article révisé en Août 2019
Noms vernaculaires :
Ail des ours, Ail des bois, Ail pétiolé
BOTANIQUE
Famille des Alliacées (anciennement dans les Liliacées)
Plante vivace, à petit bulbe blanc, à larges feuilles vertes elliptiques, lancéolées ; à tige simple de 30 à 40 cm portant une ombelle terminale de fleurs blanches en étoiles à 6 pétales. L’inflorescence est entourée à la base par une spathe (une bractée membraneuse faisant fonction de calice). 6 étamines, ovaire trigone ; les fruits sont des graines.
( Attention : avant la floraison, les feuilles ressemblent à celles du Muguet qui est toxique, mais seules les feuilles d’Ail des ours, froissées, dégagent une odeur alliacée ; par ailleurs, l’Ail des ours possède un bulbe, alors que le Muguet a un rhizome)
HABITAT
Son aire est étendue à toute l’Eurasie. L’Ail des ours pousse en vastes colonies au bord des rivières, dans des vallons ombragés. Il est bio-indicateur de forêts préservées de vallées alluviales.
Dans l’Yonne, il colonise les sous-bois frais des bords de la Cure.
USAGE MEDICINAL
1) Historique et usages traditionnels :
Les Néandertaliens qui vécurent dans les grottes d’ARCY sur CURE ne purent qu’observer le comportement des ours qui vivaient encore à leur époque. Au sortir de leur hibernation, les ours amaigris se remettant en recherche de nourriture, et très friands de cet ail sauvage, retrouvaient des forces en broutant cette plante printanière fortement soufrée.
Les premières connaissances que l’homme a acquis sur des façons de se nourrir et de se soigner se firent par l’observation de comportements animaux.
De récentes découvertes archéologiques sont venues appuyer la thèse de la consommation très ancienne de l’Ail des ours par l’humanité. Sur le site mésolithique de Halsskov au Danemark, sur les lieux d’un campement de chasseurs-cueilleurs, ont été découverts les restes carbonisés de bulbes d’Ail des ours et de tubercules de Conopode dénudé.
Il était connu ensuite à l’époque néolithique, et fut consommé par les populations celtes.
L’Ail des ours a les mêmes propriétés de l’Ail cultivé, qui, depuis la période gréco-romaine et pendant tout le moyen-âge, a servi de préventif contre les épidémies, y compris les plus graves comme le choléra ou la peste.
D’ailleurs, l’Ail avait été incorporé dans la composition du fameux « Vinaigre des 4 voleurs » dont on s’enduisait le visage et les parties découvertes lors d’épidémies de peste. L’Ail est mentionné dans la formule du Codex de 1748, associé à l’Absinthe, au Romarin, à la Sauge, à la Lavande... ; ce vinaigre servait d’antiseptique.
Au XVIII° siècle, ses mêmes propriétés protectrices contre les maladies contagieuses étaient encore reconnues. DUCHESNE nous dit de l’Ail : « C’est un excellent alexipharmaque (antidote aux poisons et expulseur de miasmes) ; aussi lui donne-t-on le nom de Thériaque des paysans. On prétend qu’il suffit d’en avoir une goutte dans la bouche, ou de le porter sur soi, pour être à l’abri de la contagion. C’est aussi pour cela que l’ail est recommandé dans les temps de peste, et pendant qu’il règne des maladies épidémiques. On a observé que tant que les matelots avaient de l’ail, ils n’étaient point attaqués de maladies contagieuses, et qu’ils en étaient pris aussitôt que cet antidote leur manquait ».
2) Composition & Pharmacologie
L’Ail des ours est riche en Vitamine C, et en minéraux, dont du Sélénium.
Ses propriétés, très proches de celles de l’AIL cultivé (ALLIUM SATIVUM), proviennent de sa richesse en composés soufrés (1 -3%). Ces derniers sont libérés lorsque l’on écrase la plante ou le bulbe : l’Alliine, molécule inodore, est alors transformée par une enzyme, l’alliinase, en Allicine. Celle-ci a été décrite pour la première fois en 1944 par CAVALLITO ; elle est volatile, exhale l’odeur alliacée caractéristique, puis se dégrade rapidement en quelques heures en dérivés sulféniques (diallyl sulfide, diallyl disulphide, et ajoène).
De nombreux travaux pharmacologiques ont montré que l’Allicine est la principale substance responsable des propriétés anti-infectieuses des différentes variétés d’ail (ANKRI, 1999). Elle a un large spectre antibactérien à la fois sur les cocci Gram + (comme le Staphylocoque doré résistant à la Méticilline) et sur les entérobactéries Gram – (comme les Colibacilles entéropathogènes multirésistants, les Proteus, Klebsiella, Salmonella) ; mais aussi une action antifongique (antimycosique), en particulier sur le Candida albicans ; une action antivirale ; et même une action sur Mycobacterium tuberculosis qui est l’agent de la tuberculose. En outre elle est active sur des protozoaires comme Entamoeba histolytica, l’amibe responsable de la dysenterie amibienne. Cette merveilleuse substance, la plante la fabrique dans son bulbe et ses feuilles pour se défendre contre les bactéries et les mycoses de son environnement.
Parmi les autres composés organo-sulfurés, le Disulfure de diallyle est un puissant bactéricide ; il est efficace sur l’Helicobacter pylori, sur les Entérobactéries, et sur les Listeria ; une étude récente le montre de 100 à 300 fois plus efficace sur le Campylobacter jejuni (responsable d’entérites sévères) que les antibiotiques courants utilisés contre lui comme l’Erythomycine et la Ciprofloxacine, en traversant un biofilm protecteur reproduisant les conditions naturelles de la bactérie dans le jéjuno-iléon (LU X, 2012).
L’Ajoene, qui provient de la condensation de l’Allicine, est plus antivirale encore non-seulement comme l’Allicine sur l’herpes-virus, les influenza et para-influenza, les rhinovirus...mais aussi sur un virus d’immunodéficience humaine) ; elle réduit la multiplication de Trypanosoma cruzi, l’agent de la Trypanosomiase africaine appelée la « Maladie du sommeil ».
Il contient encore des Flavonoïdes qui sont anti-oxydants, dont l’action potentialise l’action antibactérienne des molécules soufrées (SAPUNJIEVA, 2012).
Par ailleurs, de nombreuses études effectuées sur différentes espèces du genre Allium ont mis en évidence d’intéressantes propriétés vasculaires : vasodilatation, effet hypotenseur, anti-agrégation plaquettaire.
3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES de l’AIL des OURS
=> L’Ail des ours est d’abord une plante revitalisante, qui redonne des forces aux organismes affaiblis après l’hiver, suite d’alimentation insuffisante, ou après une maladie infectieuse. Comme tous les aulx, il est réchauffant, et permet à l’organisme de mieux résister au froid.
=> C’est une plante dépurative (comme le Pissenlit et la Bardane) qui peut être utile par cures pour « décrasser l’organisme » après des excès,
pour se purger d’une verminose, et dans des dermatoses « toxiniques » comme l’eczéma et la furonculose.
=> L’Ail des ours est un puissant antiseptique respiratoire , un véritable « Soufre végétal » qui antiseptise les muqueuses des voies aériennes supérieures (muqueuse pituitaire et sinusienne) ainsi que l’épithélium bronchique ; il est indiqué dans les rhinopharyngites, rhino-sinusites, les viroses ORL, la grippe, les laryngo-trachéites et les bronchites.
Les propriétés bactéricides de ses composants organo-sulfurés sont expérimentalement aussi puissants que certains antibiotiques couramment utilisés. La mise au point de formes galéniques facilement disponibles pour la population, et peu coûteuses, serait d’une précieuse utilité.
Son adjonction aux anti-tuberculeux pourrait aider à résoudre le problème des tuberculoses multi-résistantes.
=> Il est en même temps un désinfectant gastrique et intestinal : il antagonise l’Helicobacter pylori, principal responsable des gastrites ulcéreuses et des ulcères duodénaux. Il traite les diarrhées, et diverses entérites, dont celles provoquées par des souches particulières entéropathogènes (Echerichia coli, Listéria, Salmonella, Campylobacter jejuni...) ; il réduit le dysmicrobisme intestinal. Actif sur les amibes, il peut renforcer l’action des amoebicides spécifiques pour traiter une colite amibienne.
=> Il est hypotenseur : ayant un effet vasodilatateur artériel, il abaisse de façon douce la tension artérielle.
=> Il possède aussi un effet antiagrégant plaquettaire, assurant ainsi une prévention de l’athérome et de l’artériosclérose cérébrale.
=> Il est hypoglycémiant (fait baisser la glycémie)
=> Il est vermifuge (anthelminthique)
USAGE CULINAIRE
L’Ail des ours est apprécié comme condiment pour sa saveur finement alliacée.
Ses feuilles se consomment crues, fraichement cueillies en Avril-Mai, et doivent au préalable être rincées à plusieurs eaux vinaigrées, puis ébouillantées (afin d’écarter tout risque d’échinococcose alvéolaire). Elle se mangent en salade. Les fleurs servent plutôt à la décoration finale.
L’Aïoli à l’Ail des ours se prépare en hachant finement les feuilles, puis en mixant le jaune d’œuf, le sel, et le jus de citron, dans de l’huile d’olive.
Un Pesto à l’Ail des ours peut se faire en remplaçant, dans la recette italienne, le Basilic par des feuilles d’Ail des ours fraichement cueillies ; les hacher menu ; rajouter le sel et le poivre, les pins pignons ou des amandes ; mixer le tout dans l’huile d’olive jusqu’à consistance d’une pâte, que l’on peut consommer sur des tartines, ou rajouter aux plats de pâtes, aux lasagnes, aux légumes...
La cuisson élimine tout risque d’échinococcose, mais fait perdre l’essentiel de l’arôme alliacé. On peut néanmoins en faire d’excellents plats cuits : soupe, purée, omelette, quiche, feuilleté...
Terminer le repas par une infusion de Menthe aidera à dissiper l’odeur d’ail de votre haleine !
RECOLTE
L’Ail des ours se récolte dès Avril-Mai, mais nécessite une extrême vigilance.
ATTENTION : avant la floraison, il y a risque de confusion avec des feuilles de muguet, de colchique, voire d’arum (qui pousse volontiers dans les mêmes sous-bois). Or, ces trois dernières plantes sont très toxiques, potentiellement mortelles ! Pour les différentier : retenir que les feuilles d’Ail des ours ont des nervures parallèles, qu’elles sont souples, et surtout que, froissées, elles dégagent une franche odeur d’ail (ce que les autres n’ont pas). Par sécurité, nous recommandons la cueillette au moment des fleurs, qui sont en étoiles.
On récolte surtout les feuilles et accessoirement les fleurs.
Les bulbes sont comestibles et médicinaux, mais on déconseille de les arracher, car cela accélère le dépeuplement des colonies.
CONSERVATION : L’ail des ours perdant son parfum et ses vertus dans les 48H suivant son broyage ou sa dessiccation, et en grande partie par la cuisson, l’usage de plante séchée ou de gélules de poudre est une ineptie. Comme la période de récolte est courte sur deux mois, les seuls moyens d’en disposer pour le reste de l’année sont la congélation, et la conservation dans du vinaigre.
EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE
– en FEUILLES FRAICHES : tous les remèdes à base d’Ail des ours doivent être préparés à partir des feuilles fraiches (et exceptionnellement des bulbes) car toute l’efficacité de la Vitamine C et des composés soufrés bactéricides est préservée (alors que la cuisson et le séchage lui font perdre ses propriétés curatives)
– en TEINTURE MERE : ALLIUM URSINUM TM : 30 à 50 gouttes x 3fois/jour pour des cures de prévention en période de grippe ; ou pour des cures revigorantes. Doubler la posologie (100 gouttes x 3 fois/j.) pour les indications infectieuses respiratoires ou entéritiques.
– VIN d’AIL DES OURS : découper 3 poignées de feuilles fraiches ébouillantées brièvement en lanières, les introduire dans une bouteille (75 cl) ; verser le vin blanc jusqu’à recouvrir les feuilles ; laisser macérer pendant 3 jours au réfrigérateur ; puis filtrer le macérat obtenu à travers un linge, une gaze, ou un filtre à café ; enfin rajouter 7 cl (1/10° de la bouteille) d’alcool à 90° pour la conservation. Ce vin se conservera quelques semaines au réfrigérateur. Posologie : 1 petit verre à liqueur/jour chaque matin, pour un effet dépuratif (« nettoyer le tube digestif ») ou comme stimulant.
– un ELIXIR d’AIL des OURS se prépare aussi avec de l’alcool à 40-42°.
– en LINIMENT : l’Ail des ours pilé dans un mortier avec de l’huile est traditionnellement utilisé en frictions dans les zones rhumatismales ; il est rubéfiant, échauffant (mais peut occasionner des brûlures ou des phlyctènes) ; des applications sur la plante des pieds tonifient et réchauffent l’organisme.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1) Bibliographie générale :
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Gérard DUCERF « L’encyclopédie des Plantes bio-indicatrices » Vol 2, p. 74
Marie-Claude PAUME « Sauvages et comestibles » p. 18-19
Clotilde BOISVERT « Plantes et remèdes naturels » p. 65
Carole MINKER « Ail et autres alliacées : un concentré de bienfaits pour votre santé » p. 17, 20, 25, 27, 33, 34 et sq.
2) Ouvrages anciens
Nicolas Bonaventure DUCHESNE « Nouveau dictionnaire universel et raisonné de médecine... » 1772, p. 74-75
3) Articles scientifiques
(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :
RIETZ B, ISENSEE H, STROBACH H, MAKDESSI S, JACOB R. « Cardioprotective actions of wild garlic (Allium ursinum) in ischemia and reperfusion » Mol. Cell Biochem. 1993 Feb ; 119(1-2) : 143-50 (Tübingen Universität, Germany)
CAROTENUTO A, DE FEO V, FATTORUSSO E, LANZOTTI V, MAGNO S, CICALA C. « The flavonoids of Allium ursinum » Phytochemistry 1996 ; 41(2) : 531-36 (Napoli University, Italy)
ANKRI S, MIRELMAN D « Antimicrobial properties of allicin from Garlic » Microbes and Infection, Vol 2, 1999, p. 125-9 (Weizmann Institute of Science, Rehovot, Israël)
Lucyna KUBIAK-MARTENS « New evidence for the use of roots in the pre-agrarian subsistence recovered from the late Mesolithic site of Halsskov, Denmark » Vegetation History and Archeobotany, 2002 ; 11 : 23-31
STAJNER D, POPOVIC BM, CANADANOVIC-BRUNET J, STAJNER M. « Antioxidant and scavenger activities of Allium ursinum » Fitoterapia, 2008 ; 79(4) : 303-5 (Novi Sad University, Serbia)
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WEBOGRAPHIE
www.fr.wikipedia.org
www.wikiphyto.org
www.doctissimo.fr
www.phytotherapie.medsource.fr
www.lacuisinedannaetolivia.com