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BRUNELLE COMMUNE

BRUNELLE COMMUNE

Prunella vulgaris L.

Article révisé en Août 2019

un groupe de Brunelles communes
Les Thureaux, ACCOLAY, 89 Yonne

Noms vernaculaires  :

Brunelle, Brunette, Bonnette, Charbonnière, Herbe aux charpentiers, Petite Consoude
« Brunelle » et « Brunette » proviendraient de l’allemand « braun » indiquant la couleur brune de la plante , ou pourpre des gorges enflammées.
« Charbonnière » viendrait du fait qu’elle pousse sur les places où l’on a fait du charbon de bois dans les forêts.
Et c’est sa propriété vulnéraire qui lui vaut d’être qualifiée d’ « Herbe aux charpentiers », et de « Petite Consoude », parmi d’autres plantes qu’on appliquait sur les plaies comme l’ACHILLEE MILLEFEUILLE, la SANICLE, la GRANDE CONSOUDE, et la BUGLE appelée "Moyenne Consoude".

BOTANIQUE 

Famille des Lamiacées (Labiées)

Plante vivace, ayant un rhizome court, des stolons superficiels, et une tige carrée légèrement penchée qui se redresse ensuite, de 20 à 30 cm de hauteur, parfois jusqu’à 40 cm. Les feuilles sont opposées, pétiolées, et ovales, les basales en rosette. Les fleurs sont portées par un épi terminal : chaque calice a 2 bractées cordiformes, de couleur brune. Chaque fleur de couleur pourpre ou violacée est bilabiée, c’est-à-dire possède 2 lèvres dont la supérieure est trilobée et l’inférieure bilobée ; 4 étamines. Les fruits sont des tétrakènes.
Cette plante, bien qu’appartenant aux labiées aromatiques, n’a pas d’odeur. Elle est cependant bonne mellifère.

Deux autres variétés très proches de Brunelles sont :
 La BRUNELLE à GRANDES FLEURS, Prunella grandiflora, qui n’a pas de feuilles directement sous l’inflorescence, et dont les fleurs sont 2 fois plus grandes. Elle possède les mêmes propriétés médicinales.
 La BRUNELLE à FEUILLES HASTEES, Prunella hastifolia, qui ressemble à la Brunelle à grandes fleurs, mais pousse sur sols siliceux, en montagne (Pyrénées, et Massif Central), et dont les feuilles basales sont « hastées » c’est-à-dire en forme de flèches.

une Brunelle dans la Vallée de Reigny
ACCOLAY, 89 Yonne

HABITAT :

Les Brunelles sont très communes en Europe et en Asie, en Afrique, et en Amérique du Nord. En France, on les rencontre fréquemment dans les prés, les prairies sur sol calcaire, au bord des chemins, sur les talus herbeux, en lisière de bois.

USAGE MEDICINAL :

1) Historique et usages traditionnels

Nous n’avons pas de documentation sur un usage confirmé dans l’antiquité, pas plus que pendant le Moyen-Age. Les « doctes » ne la mentionnent pas, mais on a pu déjà y avoir recours en médecine populaire.
Ce n’est qu’aux XVI° et XVII° siècles qu’elle apparait dans les textes comme « vulnéraire et astringente ».

Nicolas LEMERY, apothicaire sous Louis XIV, résume ses indications au XVIII° siècle : « Elle est vulnéraire, détersive, consolidante : on s’en sert en décoction pour les ulcères du poumon, pour les hémorragies, pour les maux de gorge ; elle entre dans les gargarismes ». « Le nom de Brunella vient de ce que cette plante est estimée propre pour la Squinancie, que les Allemands appellent Diebrune ». (« Squinancie » ou « Esqinancie » est un ancien mot, devenu obsolète, dont la définition est une infection de la gorge, souvent sévère : angine ou abcès de l’amygdale).

CHOMEL décrit son emploi en 1782 sous ces termes :
« Les gens de la campagne l’appliquent sur leurs blessures après l’avoir écrasée : elle arrête le sang, et comme un baume naturel elle réunit la plaie ; c’est pour cela que certains l’appellent herbe au charpentier, nom qu’on attribue indistinctement à la Millefeuille, à la Sanicle, et à quelqu’autres herbes astringentes. La Brunelle s’ordonne pour le crachement de sang, pour les urines sanglantes et les pertes des femmes. CESALPIN employait les feuilles de Brunelle pilées et appliquées en cataplasme pour faire suppurer les furoncles et les clous, et pour guérir les plaies ». « ETTENMULLER recommande fort la décoction de cette plante...pour l’inflammation des glandes de la gorge en gargarisme ».

Comme vulnéraire, c’est-à-dire propre à guérir les blessures, elle entrait dans la composition du BAUME POLYCHRESTE de BAUDERON (avec la Bugle, la Bétoine...).

CAZIN au XIX° siècle nous dit qu’elle n’est plus employée que dans les campagnes : fraiche broyée sur les plaies ; ou en tisane contre les crachements de sang ; ou en lavement dans la dysenterie. Il cite un patient atteint depuis plus de 15 ans d’hémorroïdes volumineuses, guéri en mangeant quotidiennement une salade de Brunelle.

En médecine chinoise, la Brunelle commune est utilisée depuis plusieurs siècles dans les inflammations chaudes du foie et de la vésicule biliaire, notamment dans l’hépatite virale ; comme fébrifuge ; pour soulager les congestions et tuméfactions ; dans les céphalées, étourdissements, gonflement des yeux, écrouelles, mastite, cancer du sein, goître, et tuberculose.

une Brunelle sur le plateau calcaire
de Brasselot, JUSSY, 89 Yonne

2) Composition & Pharmacologie

De nombreuses substances actives ont été trouvées chez la Brunelle :
 dans la plante entière des flavonoïdes (dont la quercétine, le kaempférol, la malvidine...), et dans les fleurs des anthocyanosides (dont la delphinidine et la cyanidine) qui sont anti-oxydants et protecteurs vasculaires

 des acides phénols, notamment :
l’acide rosmarinique, très présent chez nombre de labiées (Romarin, Sauges, Hysope, Mélisse, Menthes, Sarriette, Marrube...) ; présent ici en proportion élevée (5%). C’est un puissant antiviral (particulièrement sur l’herpès-virus), anti-oxydant et antibactérien, antiallergique et hépatoprotecteur ; il inhibe le pouvoir métastatique des cellules du cancer du sein.
l’acide caféique est ubiquitaire chez la plupart des plantes, mais très présent chez les labiées (surtout chez les Sauges, Menthes, et Thyms) et chez la Cannelle de Ceylan. Il protège les cellules contre l’agression par les radicaux libres ; c’est un anti-inflammatoire naturel.

 des constituants amers iridoïdes dont l’aucubine, également présente chez le Plantain et l’Aucuba du Japon ; qui est antibactérienne, anti-inflammatoire et protecteur hépatique. L’Aucubine pourrait devenir un antidote de l’intoxication à l’amanite phalloïde (un champignon responsable d’hépatites mortelles).

 des triterpènes qu’on retrouve chez la plupart des labiées :

l’acide ursolique  : antimicrobien et antiviral, anti-inflammatoire et anti-cancéreux ; ayant par ailleurs une activité anticholinestérasique faisant supposer une action préventive possible dans la démence d’Alzheimer.

l’acide oléanique, qui est l’isomère de l’acide ursolique ; il a comme celui-ci une structure stéroïde qui lui confère des propriétés anabolisantes, avec augmentation de la masse musculaire. Il est aussi anticancéreux (chimioprévention de la carcinogenèse).

l’acide arjunolique, un antibactérien, et anticancéreux (sur certains cancers de la peau)

 des polysaccharides : dont la prunelline, qui est immunostimulante.

 des stérols (sitostérol, stigmastérol, spinastérol...)

 une huile essentielle en petite quantité (0,3%) contenant du 1-8-Eucalyptol, béta-pinène, myrcène, alpha-phellandrène...

Parallèlement à l’étude des propriétés attribuables à chaque substance particulière, les études pharmacologiques des effets de la plante entière, ou d’extraits de celle-ci, ont révélé :
 une action antibactérienne à spectre élargi sur les Gram négatifs (Salmonella typhi, E. Coli, Proteus, Yersinia, Vibrio cholerae) et sur les Gram positifs (Streptococcus alpha et béta hémolytique, Streptococcus pneumoniae, Streptococcus diphteriae) et même sur Mycobacterium tuberculosis (le BK responsable de la tuberculose).
 une activité antivirale de la plante sur les virus de la grippe, de l’herpès (Herpès-virus simplex 1 et 2, y compris ceux résistants à l’Acyclovir), et de l’HIV (virus de l’immunodéficience humaine responsable du Sida)
 une action anti-inflammatoire
 une action antihistaminique (anti-allergique)
 un effet hypoglycémique
 une réduction de la fibrose hépatique induite par des toxiques
 une action antihypertensive (due à des saponines)
 une amélioration vasculaire dans des territoires ischémiés
 un effet stimulant immunitaire : Prunella vulgaris stimule l’activité des macrophages liée aux cytokines (TNF-alpha) et aux interleukines (HAN EUN HEE et all, 2008)
 une action anticancéreuse démontrée sur le cancer du poumon, menée à partir de l’usage traditionnel en Médecine chinoise de Prunella vulgaris (FENG L, et all, 2010). La Brunelle prévient aussi le cancer du colon ; ses flavonoïdes augmentent l’apoptose de plusieurs types de cellules cancéreuses in vitro. Et l’acide ursolique est un puissant inhibiteur de l’angiogenèse (c’est-à-dire de néo-vaisseaux tumoraux).

"Brunelle" ou "Brunette" ?

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES de la BRUNELLE COMMUNE 

=> Son astringence légère, c’est-à-dire la vertu de « rétention des liquides », peut être mise à profit dans les diarrhées saisonnières ;
ainsi que dans les hémorragies mineures. On peut l’employer broyée comme hémostatique local sur une coupure ou dans les narines en cas d’épistaxis.

=> Ses propriétés anti-infectieuses et antipyrétique conjuguées l’indiquent dans des maladies infectieuses diverses, fébriles, notamment intestinales (du fait de son spectre d’action sur les entérobactéries)

=> et dans les infections virales fébriles (syndrome grippal, viroses des voies respiratoires, herpès récurrent, gastro-entérites virales...) ;
et les infections ORL de l’oropharynx : pharyngites, angines, amygdalites.

=> Elle est anti-inflammatoire et cicatrisante dans les affections du tractus digestif  : gastrite ulcéreuse et duodénite ; entérites ; hémorroïdes ; ainsi que dans divers types d’enflures et d’inflammations localisées : hypertrophie amygdalienne, goître avec thyroïdite, adénite, mastite, hépatite, hématome...

=> La Brunelle aurait un intérêt préventif sur le terrain cancérinique. Son intérêt pour freiner la progression des tumeurs cancéreuses (inhibiteur d’angiogenèse) et prévenir le risque d’extension métastatique mérite des études complémentaires.

RECOLTE

Ce sont les sommités fleuries (tiges, feuilles et inflorescences) qui sont récoltées en pleine période de floraison ; les faire sécher à l’ombre ; et les conserver en bocaux.

une fleur de Brunelle

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 L’INFUSION de Brunelle se prépare à partir de 30-40 g de plante par litre ; soit 1 cuillère-à-café par tasse ; laisser infuser 10 à 15 mn ; prendre à raison de 2 à 4 tasses par jour pendant une dizaine de jours, pour les indications de viroses ou diarrhées, état fébrile, mastite...

 La DECOCTION se fait entre 6 et 10%, soit 60 à 100g/litre à faire bouillir quelques minutes, puis laisser encore infuser 15-20 mn, et laisser tiédir avant d’employer en gargarismes en cas de pharyngite ou d’angine, à répéter dans la journée ; ou en applications tièdes (compresses imbibées) sur des hémorroïdes, un hématome, ou une tuméfaction.

 en TEINTURE-MERE : BRUNELLA VULGARIS TM 50 gouttes x 3 fois par jour pour les mêmes indications ORL, digestives, cancéreuses...

PHARMACOPEE FRANÇAISE 

Liste A (ansm Janvier 2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES :

1) Bibliographie générale :

Jan VOLAK – Jiri STODOLA « Plantes médicinales » p. 240

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1947 , ré-éd. 2010, p. 182-183

2) Ouvrages anciens :

Nicolas LEMERY « Dictionnaire universel des drogues simples » Rotterdam, 1727, p. 90 ; et Paris, 1760, p. 125

Etienne François GEOFFROY « Traité de Matière Médicale ou de l’Histoire des Vertus, du choix et de l’usage des Remèdes simples » Paris, 1743, Vol 5, p. 372

Pierre-Jean-Baptiste CHOMEL « Abrégé de l’histoire des plantes usuelles » Paris, 1782, p. 422-423

François-Joseph CAZIN « traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes » 1868, p. 214-215

3) Articles scientifiques :

(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :

XU XH, LEE SH, LEE SF, WHITE RL, BLAY J. « Isolation and characterization of an anti-HSV polysaccharide from prunella vulgaris » Antiviral Research 1999 ; 44(1) 43-54 (Dalhousie University, Halifax, Canada)

PSOTOVA J, KOLAR M, SOUSEK J, SVAGERA Z, VICAR J, ULRICHOVA J. « Biological activities of Prunella vulgaris extract » Phytother. Res. 2003 Nov ; 17(9) : 1082-7 (Olomouc University, Czech Republic)

HAN EH, CHOI JH, HWANG YP, PARK HJ, CHOI CY, CHUNG YC, SEO JK, JEONG HG. « Immunostimulatory activity of aqueous extract isolated from Prunella vulgaris » Food and Chemical Toxicology, 2009 Jan ; 47 (1) : 62-9 (Chosun University, Gwangju, South Korea)

RASOOL R, GANAL BA, AKBAR S, KAMILI AN, MASOOD A. « Phytochemical screening of Prunella vulgaris L. –an important medicinal plant of Kashmir » Pak. J. Pharm. Scl. 2010 Oct.23 (4) 399-402 (University of Kashmir, Srinagar, India)

FENG L, JIA X.B, SHI F, CHEN Y. « Identification of two polysaccharides from Prunella vulgaris L. and evaluation on their anti-lung adenocarcinoma activity » Molecules 2010, 15, 5093-5103 (Nanjin, China)

HWANG YS, LEE EJ, KIM HR, HWANG KA « In vitro antioxidant and anticancer effects of solvent fractions from Prunella vulgaris var. lilacina » BMC Complementary and alternative Medecine 2013 ; 13 : 310 (Suwon, Gyeonggi-do, Republic of Korea)

MENG G, WANG M, ZHANG K, GUO Z, SHI J. « Research Progress on the Chemistry and Pharmacology of Prunella vulgaris Species » Open Acces Library Journal 2014 ; 1 : 1-19 (Xi’an University, China)

WEBOGRAPHIE

www.fr.wikipedia.org
www.wikiphyto.org
www.altheaprovence.com (Site de Christophe BERNARD, Herbaliste)
www.complements-alimentaires.co
www.mr-plantes.com

Par Dr Dom COQUERET

Le mardi 1er août 2017

Mis à jour le 30 août 2019