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AIGREMOINE EUPATOIRE

AIGREMOINE EUPATOIRE

Agrimonia eupatoria L.

Aigremoines eupatoires
dressées sur le Mont Faucon
COULANGES la VINEUSE, 89 Yonne

Noms vernaculaires :

Aigremoine ou Agrimoine, Eupatoire des Grecs, Herbe de Ste Madeleine, Herbe de St Guillaume, Thé des bois, Thé du Nord, Soubeirette

Le nom « aigremoine » semble provenir du grec « akros » « pointu » à l’origine du mot latin « acer » qui a donné en français aigre, âcre, et acrimonie ; par allusion aux crochets des fruits qui s’accrochent aux vêtements des promeneurs et aux poils des animaux.

Quant au nom « Eupatoire », il proviendrait, d’après PLINE d’un certain EUPATOR (MITHRIDATE VI EUPATOR) roi du Pont Euxin (132-63 avant notre ère), versé dans les arts et la médecine, en particulier dans les plantes servant de contre-poison ; une étymologie tout aussi probable serait une déformation du grec « hépatorios » : indiquant une plante bonne pour soigner le foie.

BOTANIQUE

Famille des Rosacées

L’Aigremoine est une plante vivace, avec une tige droite de 40 à 80 cm s’inclinant légèrement en grandissant ; avec une rosette de feuilles composées duveteuses (imparipennées à 5-9 folioles) puis alternes ; la hampe florale porte des fleurs jaunes à 5 sépales et 5 pétales et 2 styles, de 12 à 20 étamines, et un ovaire à 2 carpelles ; le fruit est un akène crochu.

Il existe d’autres espèces voisines, comme Agrimonia odorata L. (syn : Agrimonia procera Wallr.) l’Aigremoine odorante ou A. élevée, dont la hampe florale est plus fournie, et qui pousse dans des lieux plus frais, semi-ombragés.

HABITAT

L’Aigremoine eupatoire pousse sur des terrains calcaires secs et ensoleillés, dans des clairières, au bord des chemins, sur les talus.

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels :

Dans la médecine grecque ancienne, DIOSCORIDE (médecin d’Asie mineure au 1° siècle) l’employait sous le nom d’ « Eupatorium » pour traiter les dysenteries, et pour fortifier le foie ; d’où le nom ancien d’ « Hepatorium » qui lui était aussi attribué. Les latins PLINE et GALIEN utilisaient semblablement la plante qui « nettoie les oppilations du foie » (c’est-à-dire l’obstruction des voies biliaires).

A la Renaissance, MATTHIOLI, botaniste et médecin italien à Sienne, précise, pour lever certaines confusions, que l’ « eupatorium » des Grecs est bien « la plante vulgairement nommée Agrimonia ». Le suc de feuilles fraiches ou la décoction de feuilles « est bon aux douleurs de foie » et « utile dans l’hydropisie, la jaunisse, l’oppilation de vaisseaux, les enflures, les oppilations de la ratelle, aux apostèmes de l’estomac » (un apostème étant une grosseur, une tuméfaction). Il nous dit encore que « La décoction des feuilles est souveraine contre les fièvres de longue durée » ; que « cette décoction fait uriner, fait venir les fleurs aux femmes... » (c’est-à-dire fait venir leurs règles).
« Le suc a beaucoup plus de vertu, lequel bu guérit le commencement de la ladrerie » (si ce mot a pu être le synonyme de lèpre, il indique aussi une parasitose acquise en mangeant de la viande de porc : taeniasis, et cysticercose musculaire).
« Les fleurs appliquées guérissent les plaies récentes et aussi les ulcères ».

Pour LEMERY, qui fut apothicaire sous Louis XIV, la plante « est détersive et astringente, elle purifie le sang ; on l’emploie dans les maladies du foie, pour les inflammations de la gorge, pour arrêter le cours du ventre » (c’est-à-dire la diarrhée).

Au XIX° siècle, MERAT rappelle son usage ancien d’en faire des gargarismes dès le début des angines. L’Aigremoine était aussi utilisée « dans le pissement de sang, la gonorrrhée, la leucorrhée » donc, dans tout écoulement pathologique, sanguin ou muqueux.
Il dit qu’au Canada, « les Indiens se servent de l’infusion des racines de cette plante avec succès dans les fièvres inflammatoires ».

une belle hampe florale
d’AIGREMOINE EUPATOIRE

CAZIN en 1868 résume tous ses emplois phytothérapeutiques :
« Les anciens médecins ont célébré les vertus de l’Aigremoine. Ils l’ont surtout vantée comme propre à combattre les maladies chroniques du foie, les engorgements des viscères abdominaux, l’ictère, les flux muqueux, l’hématurie, la cachexie, etc... » La plante est « utile dans les écoulements chroniques, les hémorragies passives, les ulcères de la gorge, les engorgements des amygdales ». Il rapporte qu’un certain Dr FLEITCHMANN en 1858 avait eu des résultats positifs avec l’Aigremoine dans le traitement difficile de la pharyngite chronique granuleuse des orateurs.

Au XX° siècle, Henri LECLERC et l’Abbé FOURNIER ont repris ces indications traditionnelles.

2) Composition & Pharmacologie  :

L’Aigremoine renferme des vitamines (dont la Vitamine K) et de la Silice (environ 10%).

Une grande partie de son action découle de sa richesse en tanins et en flavonoïdes :
Les tanins condensés (4% à 10%) sont responsables de son action astringente (anti-hémorragique et anti-diarrrhéique)
Les Flavonoïdes principaux sont :
 l’Hyperoside (qui est un galactoside de quercétine), présent également dans l’Aubépine, les Câpres... ; il est anti-oxydant et anti-inflammatoire.
 l’Apigénine, qu’on retrouve dans de nombreuses plantes médicinales comme le Persil, le Céleri, la Camomille matricaire, l’Origan... est anti-oxydant, antiviral (notamment sur l’herpes et le virus de l’hépatite B), anti-inflammatoire, anti-agrégant plaquettaire, et puissant inhibiteur de l’anti-angiogénèse des cellules cancéreuses.
 le Kaempférol, un anti-oxydant retrouvé également chez de nombreuses plantes (l’Aubépine, l’Ortie, la Chicorée, la Myrtille, le Safran...) ; il protège les tissus, le système nerveux, et possède un effet antidépresseur et anxiolytique.
 et l’Eupatorine, une flavone présente également dans l’Orthosiphon stamineus ; elle a une activité antiproliférative et cytostatique sur plusieurs types de cancers (DOLECKOVA, 2012) et sur des cellules leucémiques (ESTEVEZ, 2014). Elle est antiproliferative sur le cancer du sein (ANDROUTSOLOULOS, 2008). Sa co-administration avec la Doxorubicine potentialise l’action de cet agent de chimiothérapie sur les cellules du cancer du colon humain (NAMAZI SARVESTANI, 2018).

Ont été encore isolés des triterpènes, dont l’Acide ursolique que l’on retrouve aussi chez le Thym, le Romarin, la Sauge, le Basilic, la Marjolaine... Il a de nombreuses et merveilleuses propriétés : il est anti-inflammatoire , protecteur cardio-vasculaire, antiviral et anti-microbien, et possède des propriétés anticancéreuses (inhibiteur de l’angiogénèse et inducteur de l’apoptose)

 la Phytostérine (un phytostérol ayant une action hormonale).

L’extrait aqueux d’Aigremoine inhibe l’antigène HBS (l’agent viral de l’hépatite B), avec un effet maximal à 60° Celsius, et lorsque la plante est récoltée vers la mi-Juillet (KWON, 2005).

3) Indications thérapeutiques de l’AIGREMOINE :

Nous retiendrons comme indications phytothérapeutiques :
=> en premier lieu, ses propriétés astringentes, qui s’exercent dans trois domaines :
 anti-diarrhéique
 anti-hémorragique : l’Aigremoine réduit notamment les rectorragies hémorroïdaires ; elle diminue aussi les ménorragies (règles trop abondantes) et les métrorragies (saignements utérins).
La médecine Ayurvédique la considère comme un grand anti-hémorragique, avec l’ACHILLEE MILLEFEUILLE (FRAWLEY)
 réducteur des flux muqueux (mucorrhée) des rhumes, des colites inflammatoires, des leucorrhées...
Cette qualité astringente est la même que celle de la POTENTILLE, une autre rosacée.

=> elle possède aussi des propriétés anti-inflammatoire et anti-histaminique qui l’indiquent dans les angines blanches virales, les amygdalites hypertrophiques, les pharyngites aigues ou chroniques, et les laryngites avec enrouement ou aphonie.

une Aigremoine odorante
dans le Bois des Chataigniers
MIGE, 89 Yonne

=> elle est cholagogue, vidange la vésicule biliaire ; ses propriétés anti-inflammatoires ont un tropisme pour les voies biliaires, surtout lorsque se manifestent des signes obstructifs en rapport avec des lithiases : cholécystite lithiasique, angiocholite, cholédocite...Dans ces pathologies, le traitement antibiotique s’impose ; la cholécystectomie ou le cathéterisme rétrograde avec sphinctérotomie oddienne est fréquemment nécessaire dans un deuxième temps. L’Aigremoine ne saurait trouver sa place qu’en troisième intention pour réduire l’inflammation résiduelle des voies biliaires.
Elle peut aussi être recommandée en cas d’ictère par hépatite virale (action antivirale sur le virus de l’Hépatite B).
Elle est proche du FUMETERRE, un autre bon draineur hépato-biliaire.
=> elle est fébrifuge, et mérite d’être prescrite dans les viroses éruptives pour en favoriser l’évolution salutaire.
=> elle est vulnéraire, permet d’assécher les plaies et les ulcérations suintantes.
=> elle est emménagogue (facilite la venue des règles)
=> elle est diurétique
=> elle est hypoglycémiante, limite l’hyperglycémie (améliore le diabète)

=> enfin, l’Aigremoine a une certaine activité antitumorale, et l’Eupatorine qu’elle contient potentialise l’action de médicaments de chimiothérapie, notamment la Doxorubicine dans le cancer du colon (NAMAZI SARVESTANI, 2018).

les akènes crochus des fruits à maturité

=> en Fleur de BACH, préparée par solarisation, « AGRIMONY  » remédie sur un plan subtil pour aider celui ou celle qui « cache sa personnalité derrière une façade, masque les problèmes et ses sentiments par une fausse jovialité ».

RECOLTE

On récolte les feuilles et sommités fleuries en début de floraison, ou à la pleine saison estivale, par temps sec. Les faire sécher pendant quelques semaines dans un local aéré, puis conserver en bocaux à l’abri de la lumière.

USAGE CULINAIRE

L’Aigremoine a été utilisé traditionnellement dans le Nord de la France en guise de thé (d’où son nom de « Thé du Nord  »), apprécié pour son arôme agréable.

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSION : 1 cuillérée-à -café par tasse x 3 à 4 fois/jour

 en DECOCTION dans les diarrhées : 5 à 8g de fleurs/litre, faire bouillir
5 mn , puis laisser infuser environ 10mn ; répéter les prises toutes les 3-4 heures jusqu’à cessation des diarrées.

 en TEINTURE MERE : AGRIMONIA EUPATORIA TM : 50 gouttes x 3 fois à 4 fois/jour ; cette forme galénique est pratique d’administration, dans toutes les indications de la plante (diarrhée, leucorrhée, saignement, pharyngite, inflammation des voies biliaires...)

 en GARGARISME : on emploie une décoction concentrée (1-2 cuillères-à-soupe par tasse) ; répéter les gargarismes toutes les 3 ou 4 heures dans les maux de gorge liés à une angine, une pharyngite, ou une laryngite.

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Liste A (ansm Juillet 2016) 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 

1) Bibliographie générale :

H. LECLERC « Précis de Phytothérapie » p. 112

Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1947, Ré-éd. 2010, p. 55-57

Pr J-P CHAUMONT - Dr J-M MOREL « Se soigner avec les plantes de Bourgogne » p. 16-17

Pierre LIEUTAGHI « Le Livre des bonnes herbes » p. 52-53

Gérard DUCERF « L’encyclopédie des Plantes bio-indicatrices » Vol.2, p.65

Dr David FRAWLEY « La santé par l’Ayurveda » p. 280-281 et p. 319

Joanne BARNES, Linda A. ANDERSON, J. David PHILLIPSON "Herbal Medicines" 3° Ed. 2007, London, Pharmaceutical Press p. 42-44

Mechthild SCHEFFER « Les 38 quintessences florales du Dr Edward BACH » p. 51-57

2) Ouvrages anciens :

Pierandrea MATTHIOLI « Les Commentaires de M. Pierre André MATTHIOLE médecin senois sur les six livres de Pedacius Dioscoride Anazarbéen, de la matière médicinale » trad. Jean DES MOULINS, Lyon, 1572, Livre IIII, chap. XXXVII, p. 551-553

Nicolas LEMERY « Dictionnaire universel des drogues simples » 1760, p. 18

François-Victor MERAT, Adrien-Jacques DE LENS « Dictionnaire universel de matière médicale et de thérapeutique générale » Paris, 1829, Vol. 1, p. 114

François-Joseph CAZIN « Traité pratique et raisonné des plantes médicinales indigènes » 1868, p. 36

3) Articles scientifiques :

(articles classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents) :
en langue anglaise, l’Aigremoine est nommée AGRIMONY.

KWON DH, KWON HY, KIM HJ, CHANG EJ, KIM MB, YOON SK, SONG EY, YOON DY, LEE YH, CHOI IS, CHOI YK « Inhibition of hepatitis B virus by an aqueous extract of Agrimonia eupatoria L. » Phytother. Res. 2005 Apr, 19 (4) : 355-58 (Korea Research Institute of Bioscience and Biotechnology, Daejon, Korea)

ANDROUTSOPOULOS V, AROO RR, HALL JF, SURICHAN S, POTTER GA.
« Antiproliferative and cytostatic effects of the natural product eupatorin on MDA-MB-468 human breast cancer cells due to CYP1-mediated metabolism » Breast Cancer Res. 2008 ; 10(3):R39 (De Montfort University, Leicester, UK)

DOLECKOVA I, RAROVA L, GRUZ J, VONDRUSOVA M, STRNAD M, KRYSTOF V. « Antiproliferative and antiangiogenic effects of flavone eupatorin, an active constituent of chloroform extract of Orthosiphon stamineus leaves » Fitoterapia 2012 sept ; 83 (6) :1000-7 (Palacky University & Institute of Experimental Botany, Olomouc, Czech Republic)

ESTEVEZ S, MARREO MT, QUINTANA J, ESTEVEZ F. « Eupatorin-induced cell death in human leukemia cells is dependent of caspases and activates the mitogen-activated protein kinase pathway » PLoS One 2014 Nov 12 ; 9(11) : e 112536 (University of Las Palmas de Gran Canaria, Spain)

AL-SNAFI A.E « The pharmaceutical and therapeutic importance of Agrimonia eupatoria – A review » Asian J. Pharm. SCI. Technol. 2015 ; 5(2) : 112-117 (Thi Qar University, Nasiriyah, Iraq)

AL-SNAFI A.E « Therapeutic properties of medicinal plants : a review of their antiviral activity (part 1) » Int. J. Pharm. Screening Methods 2015 ; 5(2) : 72-79 (Thi Qar University, Nasiryah, Iraq)

NAMAZI SARVESTANI N, SEPEHRI H, DELPHI L, MORIDI FARIMANI M. « Eupatorin and Salvigenin potentiate Doxorubicin-induced apoptosis and cell cycle arrest in HT-29 and SW948 human colon cancer cells » Asian Pac. J. Cancer Prev. 2018 Jan ; 19(1) : 131-39 (University of Tehran, Iran)

WEBOGRAPHIE

https://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-1141-synthese
https://fr.wikipedia.org/wiki/Aigremoine_eupatoire
www.doctissimo.fr
www.wikiphyto.org

Par Dr Dom COQUERET

Le jeudi 27 juillet 2017

Mis à jour le 26 janvier 2019