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POLYGALA

POLYGALA

Les POLYGALAS indigènes :

- POLYGALA COMMUN

Polygala vulgaris L.

- POLYGALA du CALCAIRE

Polygala calcarea F.W. Schultz

- POLYGALA AMER

Polygala amara L.

et POLYGALAS exotiques :

- POLYGALA de CHINE

Polygala tenuifolia Willd.

- POLYGALA de Sibérie

Polygala Sibirica L.

- POLYGALA de VIRGINIE

Polygala senega L.

Article révisé en Octobre 2019

Polygale commun à l’orée d’un bois,
sur l’Arbrusseau,
CHITRY LE FORT (Yonne)

I/ POLYGALA INDIGENES et EXOTIQUES :

Noms vernaculaires :

Polygala ou Polygale
(d’où, selon l’espèce : Polygale commun, Polygale du calcaire, Polygale amer, Polygale à feuilles de Myrte, Polygale alpestre...
Polygale de Chine, Polygale de Sibérie, Polygale de Virginie...)

BOTANIQUE 

Famille des Polygalacées

Il existe environ 600 espèces de Polygala décrites dans le monde !
Avec l’intention de retrouver principalement les emplois traditionnels des Polygalas « indigènes » c’est-à-dire européens, et plus particulièrement de ceux poussant dans nos contrées françaises, nous décrirons les espèces locales les plus courantes qui sont :
 le Polygala commun (Polygala vulgaris)
 le Polygala du calcaire (Polygala calcarea)
 le Polygala amer (Polygala amara ou amarella)

Dans les Alpes et le Midi poussent aussi les variétés :
 le Polygala petit-buis (Polygala chamaebuxus)
 le Polygala de Montpellier (Polygala monspeliensis)
 le Polygala alpestre (Polygala alpestris), une espèce montagnarde des Alpes et des Pyrénées

Leur description botanique est très proche : plante herbacée vivace, avec racines jaune-brunâtre ligneuses, d’où partent des tiges rampantes qui se redressent ensuite, grêles, d’une hauteur de 10 à 30 cm.
 Polygala vulgaris ou Polygale commun, dite « Herbe-à-lait » ou « Herbe bleue », a une tige qui se dresse rapidement, sur laquelle les feuilles petites et lancéolées sont alternées, sans rosette ; bractées plus courtes que le pédoncule floral.
 alors que Polygala calcarea ou Polygale du calcaire a, au départ, une tige horizontale rampante nue, ayant l’aspect d’un stolon, suivie à une certaine hauteur d’une pseudo-rosace de feuilles ovalaires un peu pointues, puis les feuilles sont alternes, fines, linéaires ; plante plus basse : 10-12 cm.
 le Polygala amara ou Polygale amer, lui, possède une rosette basale de feuilles « obovales » c’est-à-dire ovalaires à bout arrondi plus large que le reste de la feuille.
Les inflorescences sont des grappes de petites fleurs bicolores (5-8mm) d’un bleu-violet au bleu-rosé avec certains pétales blancs pour Polygala vulgaris et amara ; un bleu plus intense « bleu-gentiane » pour Polygala des sols calcaires. Les fleurs sont blanc-jaunâtre pour la variété petit-buis (chamaebuxus). 3 pétales très inégaux. Les couleurs varient aussi selon la nature des sols, l’acidité, l’ensoleillement ; 8 étamines ; le fruit est une capsule « en cœur renversé », qui ne germe qu’à la lumière !

Polygala au bord d’un talus,
Vallée de Vaudelongue,
BEINE (Yonne)

Il existe encore de nombreuses espèces de Polygala dans le monde ;
parmi les plus importantes et les mieux étudiées quant à leurs vertus thérapeutiques, citons :
 le Polygala de Virginie en Amérique du Nord que nous traiterons à part, ci-après, pour ses propriétés médicinales broncho-pulmonaires reconnues.
 les Polygalas asiatiques : dont Polygala tenuifolia en Chine et en Mongolie, qui fait partie de la Pharmacopée chinoise ; et un Polygala Eurasiatique, Polygala Sibirica qui pousse dans les étendues herbeuses depuis la Russie à la Sibérie.
 et des Polygalas d’Amériques du Sud étudiés au Brésil (comme P. campestris, cyparissias, paniculata, pulchella, sabulosa...)
 des Polygalas indiens, comme P. rosmarinifolia et P. Javana
 des Polygalas africains, comme P. myrtifolia en Afrique du Sud.

HABITAT

Le Polygala commun est très répandu en Europe, et en France, dans les prairies, les zones herbues argilo-calcaires, à la lisière des bois.
Le polygala amer se trouve surtout en Europe centrale et occidentale, Allemagne, Suisse, et dans l’Est de la France. Il est bio-indicateur de prairies de fauche où la biodiversité est favorable à la production laitière.
Le « Polygala des sols calcaires » aime pousser sur les sols calcaires de Champagne, de Bourgogne et du centre de la France, sur des pelouses sèches calcicoles à graminées, où il est en phytocénose (association végétale) avec l’Anémone pulsatille, le Serpolet, les Orchidées, et les Genévriers.
La variété Alpina pousse dans les Alpes et les Pyrénées jusqu’à 2400m d’altitude ; Chamaebuxus dans les Alpes ; Amara dans les prairies plus humides de l’Est ; Monspeliensis dans le Languedoc.

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels 

L’utilisation des Polygalas indigènes européens a été oubliée, car détrônée au XVIII° siècle par celle du POLYGALA « exotique » de Virginie.
Nous allons raviver leur mémoire de « Simples » médicinales. En effet, tous ces polygalas indigènes ont été utilisés en médecine populaire.
Déjà, DIOSCORIDE médecin et botaniste grec du 1° siècle de notre ère, dans sa Matière Médicale cite sous le nom de Polygalon des plantes « de la hauteur de la main » au goût astringent dont l’usage augmente le lait des nourrices (d’où son nom poly-gala « beaucoup de lait »).
Les bergers croyaient aussi que l’abondance du lait de leur troupeau qui paissaient dans les landes herbues provenait de la présence de la plante.

Aux XVIII° et XIX° s., les botanistes, médecins, et pharmacologues qui l’étudièrent et firent les premiers travaux pour analyser les principes actifs en mentionnèrent les usages traditionnels (cf DU HAMEL 1739 ; COSTE 1778 ; LOISELEUR-DESLONGCHAMPS 1819 ; GAUTIER 1822 ; MILNE-EDWARD 1831…cf Bibliographie).
Tous les polygalas indigènes étaient utilisés indistinctement, et reconnus comme :
 légèrement émétiques
 purgatifs
 sudorifiques dans les affections fébriles
 béchiques, c’est-à-dire facilitant l’expectoration
 anti-rhumatismaux
Pour LOISELEUR-DESLONGCHAMPS en 1819 les Polygalas vulgaris et amara ont les « mêmes propriétés ».
Toutefois, les observations faites sur les patients précisèrent quelques différences :
L’action du POLYGALA COMMUN fut ré-étudié (parallèlement à celle du POLYGALA de Virginie introduit au XVIII°s.). On nota la saveur un peu âcre de sa racine, et celle « d’amande », plus sucrée, des parties aériennes. Il donna des succès en infusions et décoctions de racines ou de plante entière dans les affections catarrhales des bronches (bronchites), mais aussi dans les pleurésies et les pneumopathies où sa propriété « béchique », en fluidifiant les sécrétions bronchiques, favorisait l’expectoration, en association aux « pectoraux émollients » comme la MAUVE et la VIOLETTE.

Henri MILNE-EDWARDS et Pierre Henri VAVASSEUR dans leur « Manuel de Mat !ère Médicale » de 1831 affirment : « On peut substituer au Polygala de Virginie, le Polygala Commun, Polygala vulgaris L., plante indigène très commune. Il jouit en effet des mêmes propriétés, mais à un moindre degré. »
De plus, son effet diurétique l’a fait prescrire dans l’hydropisie (œdème pulmonaire).
Quant au POLYGALA AMER, l’âpreté des racines, bien plus âcres et amères, avaient déjà fait suspecter aux médecins viennois, allemands, et alsaciens, une plus grande concentration de principes actifs. Il fut utilisé dans les pleurésies purulentes, les pneumonies, suppurations bronchiques, et surtout dans les « phtisies » tuberculeuses, en employant des décoctions de racines à fortes posologies, et en l’associant à d’autres « béchiques excitants » comme l’HYSOPE, le LICHEN d’ISLANDE, et le MARRUBE. L’expectoration plus facile, la défervescence thermique, la disparition des accès de sueurs nocturnes, et le recouvrement de l’appétit étaient les signes d’amélioration obtenue en 3 mois.

Cette variété amère est également bien plus purgative, provoquant des « évacuations alvines », c’est-à-dire stimulant l’évacuation des déchets de la partie terminale de l’intestin, fusse au prix d’une bonne débâcle.

En Afrique du Sud, PAPPE, un médecin allemand émigré dans la région du Cape rapporta en 1860 que les Malays du Cape râpaient l’écorce grise du Polygala myrtifolia, le mettaient en macération dans l’eau, en le tournant jusqu’à ce qu’il mousse, puis s’en servait pour laver leurs morts avant de les enterrer (ce qui attire l’attention sur de probables propriétés désinfectantes de la plante) (MALCOM, 1969).

François-Joseph CAZIN, ce phytothérapeute du XIX° siècle, écrivait à propos des Polygalas indigènes :
 « Le polygala vulgaire est tonique, expectorant, sudorifique. A dose élevée, il est un peu émétique. On l’a fréquemment employé dans les diverses périodes des affections de la poitrine. On l’a préconisé dans la dernière période des catarrhes pulmonaires aigus, dans les bronchites chroniques, l’hydrothorax, le croup, les affections rhumatismales, etc. »
On utilise la plante entière, en infusion. Elle est un peu moins puissante que le P. amara.
 Par contre, pour le Polygala amer, c’est la racine, fort amère, qu’on utilise en décoction. « Je considère la racine du Polygala amer comme un tonique fort utile et dont l’action se porte principalement sur les organes respiratoires. Je l’ai fréquemment employée dans les catarrhes chroniques accompagnés d’expectoration plus ou moins abondante, dans l’asthme humide, dans l’hydrothorax ; mais je dois avouer qu’elle n’a jamais produit un bon effet quand la toux était sèche et que l’irritation fébrile existait. C’est presque toujours coupée avec le lait que je donne la décoction de polygala...
J’ai souvent associé au polygala, selon l’état des malades, le lichen pulmonaire ou d’Islande, les sommités d’hysope, de lierre terrestre ou d’hypéricum, et, plus souvent encore, pour en modérer l’activité, la racine de guimauve, les fleurs de bouillon blanc ou celles de tussilage. »

Polygale commun sur le Plateau de la Rippe,
MAILLY LE CHÂTEAU (Yonne)

Henri LECLERC qui retrouva les indications traditionnelles des plantes pour les utiliser dans les tranchées au cours de la grande guerre de 1914-1918, dit avoir eu souvent l’occasion de prescrire le Polygala indigène à des sujets atteints de « bronchites post-grippales », dans la bronchorrhée des vieillards, et chez les coquelucheux ; avec « des effets obtenus qui n’ont été en rien inférieurs à ceux de son congénère exotique ».

Dans les Pyrénées catalanes, des études ethnobotaniques ont montré que le Polygala, appelé « Herbe bleue », faisait partie des principales plantes récoltées par les « Trementinaires », ces femmes cueilleuses de simples sur le plateau de Lluçanes. Cette herbe est utilisée traditionnellement pour :
 les douleurs d’estomac
 les inflammations intestinales
 la toux
 et pour favoriser la lactation des femmes allaitantes (Anges BONET, Roser REIXACH, 2013)

2) Composition & Pharmacologie 

Ont été isolés dans le genre Polygala y compris chez POLYGALA VULGARIS et AMARA : Dans les racines :
 des glucosides de Saponines (4%) que les biologistes appellent globalement « Polygalasaponines ».
Celles-ci, une fois hydrolysées, donnent de la Sénégine et de l’acide sénégénique. La Sénégine est la même saponine principale que celle retrouvée dans la racine du Polygala senega.
D’autres Saponines triterpéniques bidesmoïdiques sont construites avec l’aglycone Présénégine.
En réalité, en 2005, plus de 150 complexes de Saponines triterpéniques avaient déjà été identifiés dans l’ensemble des Polygalacées ; ayant principalement pour aglycones la préatroxigénine, l’acide médicagénique, et la Présénégine (LACAILLE-DUBOIS, 2005).
Une autre saponine est la Polygaline, terme ancien pour désigner l’acide polygalique, un poison responsable des vomissements

 un hétéroside, la Gaulthérine, dont le nom vient qu’elle a été trouvée dans l’huile essentielle de la GAULTHERIE dont on connait les vertus anti-rhumatismales ; une enzyme, la gaulthérase, lyse la molécule, séparant la chaine polyosidique de son aglycone qui est le salicylate de méthyle ; ce dernier est un salicylé, comme l’aspirine, et jouit d’une propriété antalgique et anti-inflammatoire, soulageant les rhumatismes. Mais étant libéré dans l’intestin (et non dans l’estomac), et n’inhibant pas les prostaglandines chargé de faire fabriquer par la muqueuse gastrique le mucus protecteur, il s’agit d’une substance qui n’est pas ulcérogène gastrique.

 dans les feuilles : on trouve une substance sucrée, la « polygalite ».

 des Triterpènes (5%) dont certains sont des dérivés d’Aucuparine (une phytoalexine) ; des Xanthones ; un Méthylsinapate = acide Sinapique, un dérivé de l’acide Cinnamique ; et des Lignanes propres aux Polygales (DALL’ACQUA, 2002).

 un sucre-alcool, le Polygalitol (1,6-anhydrosorbitol) au goût sucré.

 des acides phénoliques dérivés de l’acide cinnamique : acide caféique, acide férulique, et acide sinapique ; qui sont tous anti-oxydants.

 des hydrates de carbones (« sucres ») : arabinose, fructose, sucrose, saccharose, reffinose, melibiose...

 des esters

 des flavonoïdes, ainsi que des coumarines ;

 des acides gras

 Chez Polygala alpestris, ont été isolés de nouveaux phénols : l’Alpestrine et l’Alpestriose (CERVELLATTI, 2004).

 Des Xanthones ont été isolés chez Polygala tenuifolia (qui est un Polygala asiatique)(FUJITA, 1992), tout comme chez Polygala alpestris (DALL’ACQUA, 2004).

 Chez Polygala siberica des steppes d’Asie et de Sibérie, de nouvelles substances ont été identifiées : Tenuifoliside A et B ; Glomératose A ; Sibiricose A5, A6, A1, A2 ; Polygalatenoside E ; et Canthoside A... dont les propriétés sont à l’étude (ZHOU, 2008).

Polygala du calcaire,
Côte de Dessus Bon-Boire,
VAUX (Yonne)

Les recherches pharmacologiques sur les Polygalas indigènes ont été très limitées !
Leurs composés phénoliques sont anti-oxydants (CERVELLATI, 2004).
Issus du Polygala alpestris, Plusieurs dérivés de dimethoxyxanthone, dihydroxyxanthone, et de metoxyxanthone, testées in vitro, se sont révélées antitumorales sur plusieurs lignées cancéreuses (DALL’ACQUA, 2004).

Par contre, les Polygalas tropicaux (indiens ou amazoniens) on fait l’objet d’études particulières. Ainsi :
 différents extraits de racine, tige, et feuilles de Polygala javana, une espèce qui pousse dans le Tamil Nadu (Sud de l’Inde), ont été testés sur 10 sortes de bactéries pathogènes pour les humains. Il en résulte une action antibactérienne intéressante :
. l’extrait de feuilles (par éther de pétrole) a présenté l’activité antibactérienne maximale (9 mm) sur Escherichia Coli
. l’extrait de tige (par méthanol) a l’activité antibactérienne maximale (10 mm) sur le Pseudomonas aeruginosa (un pathogène redoutable)
. l’extrait de racine (par le méthanol) a l’activité maximale (11 mm) sur le Proteus vulgaris
. l’extrait de racine par l’eau distillée a l’activité antibactérienne maximale (9 mm) sur la Klebsiella pneumoniae (un agent de pneumopathie) (UTHIRA SELVAM, 2012)

 Polygala rosmarinifolia, un autre Polygala indien, possède une action anti-inflammatoire chez l’animal à la dose de 200 mg/kg. Les substances actives sont le Phytol, l’acide 9-octadénoique, et le Phényl méthyl ester (ALAGAMMAL, 2012) b
Le même auteur, ayant procédé à l’analyse de ce P. rosmarinifolia, y trouve des composés phénoliques connus comme antimicrobien ; et du squalène , un tripterpène immunostimulant, chimiopréventif, et pesticide (ALAGAMMAL, 2012) a

 En Chine, Polygala japonica est une espèce utilisée en médecine traditionnelle dans les maladies inflammatoires. Son effet anti-inflammatoire est confirmé in vivo chez l’animal (souris) ; les substances actives sont plusieurs des 6 saponines triterpénoïdes isolées (WANG, 2008).

 Chez 5 espèces de Polygala amazoniens (P. campestris, cyparissias, paniculata, pulchella, et sabulosa), toutes se sont montrées antifongiques (notamment sur différentes souches de Candida : albicans, tropicalis...).
L’ α-spinastérol et la Rutine étaient les composants présentant les CMI les plus basses, donc ayant la meilleure activité (JOHANN, 2011).

 Au Brésil, Polygala paniculata peut être cultivé comme une source intéressante de Salicylate de méthyle, qui représente plus de 50% de ses composés volatils, pour son utilisation thérapeutique antalgique et anti-inflammatoire (VICTORIO, 2011)...
Ce même P. paniculata exerce une gastroprotection chez le rat contre le risque ulcéreux induit par l’Ethanol ou l’Indométacine (un anti-inflammatoire non-stéroïdien) ; cet effet protecteur résulte du pouvoir anti-oxydant de la plante et du maintien de la production de mucus gastrique (LAPA, 2007).

Mais plus intéressant encore, cette étude brésilienne de la plante à la recherche d’éventuelles propriétés neurologiques. Expérimentalement, les souris traitées avec des extraits de ce Polygala manifestent des modifications comportementales en faveur d’un effet antidépresseur. Les tests pharmacologiques complétés avec des antagonistes spécifiques des différents récepteurs cérébraux, démontrent que l’action passe par les récepteurs sérotoninergiques, noradrénergiques, et dopaminergiques (BETTIO, 2011).

Quant au Polygala asiatique, P. tenuifolia, il a fait l’objet depuis quelques années de recherches poussées (MA, 2009),(LIU, 2012), DONG, 2014)... En effet, ce Polygala tenuifolia qui pousse en Chine et en Mongolie est une herbe importante de la Pharmacopée chinoise, appelée « Yuan zhi ». Elle aide à « expectorer le phlegme » des bronches. Cette notion de « phlegme » est cruciale en Médecines Chinoise et Tibétaine : les pathologies qui en dépendent résultent d’un processus de stagnation des liquides et des substances, qui vont s’accumuler, se trouver en rétention de façon pathologique. Au niveau de la muqueuse bronchique et des poumons, cela consiste en accumulation de mucosités. Le Polygala est donc indiqué dans les trachéobronchites, la bronchite chronique, et l’asthme humide.

Mais en Médecine traditionnelle chinoise, c’est aussi un tonique cérébral qui améliore les fonctions cognitives, la mémoire, la concentration ; tout en ayant une action anxiolytique, facilitant le sommeil. (LIU, 2012).
Le Tenuifoliside A, isolé de P. tenuifolia, améliore la phosphorylation de l’AMP cyclique (clé du métabolisme énergétique) au niveau de la cellule gliale (cellule de soutien et nutritive des neurones) (DONG, 2014).
L’extrait de racine stimule le facteur de croissance cérébral et modulerait les synapses glutamatergiques. Chez l’animal, il provoque une rapide modification comportementale, une sorte d’ « hédonisme » évoquant un effet « antidépresseur-like », ressemblant à celle de la kétamine (SHIN, 2014).
Les Polygalasaponines administrées chez la souris modifient les tests comportementaux en faveur d’une anxiolyse ; par ailleurs, elles réduisent le temps de latence de l’endormissement et augmentent la durée du sommeil (YAO, 2010).
La Tenuifoline, une polygalasaponine, chez la souris, aux doses de 40 et 80 mg/kg, augmente le temps total de sommeil non-REM et le sommeil REM ; en stimulant le système GABAergique et en inhibant le système noradrénergique (CAO, 2016).
Une très récente étude chinoise neurobiologique chez la souris, avec contrôle électro-encéphalographique (EEG), visait à comparer l’action sédative-hypnotique d’un extrait de Polygala tenuifolia versus l’Alprazolam (= XANAX, un anxiolytique apparenté à la famille des benzodiazépines). Les composants identifiés comme sédatifs dans la plante étaient l’acide 3,4-méthoxycinnamique (une Polygalasaponine agoniste des récepteurs GABAa et régulateur de l’acide Glutamique décarboxylase) et les Phénylpropanoïdes. Le Polygala était décocté à la concentration de 5g pour 120 ml d’eau pendant 1 heure. La posologie administrée était de 374 mg/ 5 ml/kg et par jour ; l’Alprazolam étant prescrit dans l’autre lot à la posologie de 0,6 mg/5ml/kg et par jour. L’EEG a révélé une immobilité totale acquise en moyenne en 50 mn pour le groupe-contrôle non-traité, en 31 mn sous Alprazolam, et en 25 mn sous Polygala. Il fut noté un raccourcissement du temps de latence de l’endormissement dans les lots traités. L’induction du sommeil était marqué par l’apparition d’ondes théta, v, delta, et de complexe K. L’augmentation des ondes théta et delta au moment du sommeil non-REM était significative d’un sommeil plus profond et de meilleure qualité. Le résultat hypnotique fut pour le Polygala au moins égal à l’action de l’Alprazolam. Dans un lot de souris, leur prise associée Polygala + Alprazolam montrait une synergie et un sommeil profond plus durable (YU, 2018).

Des Xanthones, dérivés du diméthylxanthone et du triméthylxanthone, ont été découverts dans le Polygala tenuifolia (FUJITA, 1992).

Ces Xanthones, trouvés aussi dans la Gentiane jaune et le Garcinia mangoustan, possèdent une foule de propriétés :
Hépatoprotectrice, anticancéreuse, anti-oxydant, anticholinergique, antilépreuse et antimalarique, radioprotectrice, immunomodulante, anti-résorption osseuse, antiparasitaire (amoebicide et larvicide), inhibiteur de la neuraminidase, anticomplément, antibactérien et antifongique, antalgique, anti-HIV, cardioprotectrice, antitumorale, antidiabétique, antihypertensive, anti-ulcéreuse, anti-asthmatique, antihistaminique, diurétique, antidiarrhéique (NEGI, 2013).

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES des POLYGALAS

=> les Polygalas communs, du calcaire, et le P. amer ont en commun de stimuler les sécrétions, et l’on pourra y recourir à chaque fois qu’il sera opportun de relancer des sécrétions défaillantes :
. galactogène, propriété physiologique de stimulation de la lactation qui est à l’origine du nom de la plante
. il facilite l’expectoration lorsque les mucosités sont rares, concentrées, non-fluides et difficiles à évacuer
. mais aussi : la diurèse,
. la transpiration qui fait du Polygala un bon « diaphorétique » (ou sudorifique)
. il est aussi sialagogue, c’est-à-dire qu’il améliore la sécrétion salivaire (ce qui pourrait l’indiquer dans les « bouches sèches »)
. il est encore emménagogue (favorise la venue des règles dans l’aménorrhée fonctionnelle)

. enfin, il est émétique à doses plus fortes, c’est-à-dire qu’il provoque des nausées et des vomissements (propriété qui, jumelée à celle d’expectorante, fait rapprocher les Polygalas de l’Ipéca ou Ipécahuana, une plante médicinale majeure d’Amazonie)

=> Le Polygala amer (P. amara) est aussi expectorant et antitussif (GAIROLA, 2010)

=> Il est possible que nos Polygalas indigènes possèdent des propriétés anxiolytiques, sédatives, facilitant le sommeil, mais aucune recherche approfondie n’a été menée, ni en laboratoire, ni cliniquement pour l’affirmer. On ignore le taux des polygalasaponines qu’ils contiennent, et la posologie nécessaire pour obtenir l’effet sédatif désiré. Aussi, pour bénéficier des effets neurosédatifs, il vaut mieux faire appel aux Polygala asiatiques : le Tenuifolia ou le Sibirica qui ont fait la preuve d’une action neurologique centrale.

=> Les Polygalas ont des composants qui leur confèrent un pouvoir anti-inflammatoire, utile dans les rhumatismes. Ceux de nos contrées renferment de la Gaulthérine, mais n’auraient du Salicylate de Méthyle qu’en petite quantité...par contre, pour une indication rhumatismale, mieux vaut sélectionner un Polygala brésilien : Polygala paniculata riche en salicylé.

RECOLTE

Au moment de la floraison de Mai à Juillet, récolter les racines (surtout celle de Polygala amara) ou la plante entière (Polygala vulgaris ou calcarea) ;
Laisser sécher, conserver en bocaux
(Note : Polygala calcarea est classé dans les espèces menacées et protégées dans le Nord-Pas de Calais et l’Alsace : cueillette interdite).

Polygala au Plan de Pouille Brebis,
CRAVANT (Yonne)

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE

 en INFUSION de Polygala commun, ou du calcaire : la plante totale ; posologie usuelle traditionnelle d’ « 1/2 à 1 once » (soit 15 à 30 grammes) dans un demi-litre à 1 litre d’eau de source ; jusqu’à la posologie de 30 g à 60 g par litre (CAZIN) : à boire par tasse de 150 ml x 3 à 4 fois / jour.
 en DECOCTION :
. pour le Polygala commun : posologie conseillée par H. LECLERC : faire une décoction concentrée de plante fleurie : 90 g/ 500 ml (il faut cette quantité pour obtenir du Polygala commun une action aussi notable qu’avec Polygala amara ou Polygala senega)
. quant aux racines de Polygala amer, coupées menu ou réduites en poudre
Exemple : Formule des Médecins de Vienne (Autriche), (citée par J-F COSTE en 1778) : Poudre de racines de Polygala amer « 2 gros » (soit environ 8 gr) en décoction dans 1 livre et demi (750 ml) , mélanger avec du lait (à cause de l’amertume), en boire plusieurs fois par jour.

 en TEINTURE-MERE : POLYGALA VULGARIS TM : 15 gouttes x 3 fois/j (posologie pouvant être doublée à 30 gouttes x 3 fois/jour) dans toutes les indications pulmonaires ou rhumatismales du remède, par cures de 3 semaines
ou de Racine de Polygale de Chine : POLYGALA TENUIFOLIA TM : 15 à 30 gouttes x 2 à 3 fois/jour dans les indications cérébrales du remède, dans ce cas en cures plus prolongées.

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Les Polygalas commun et des sols calcaires ne sont pas inscrits sur la Liste A (ansm Janvier 2019)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

1) Bibliographie générale

Henri LECLERC « Précis de Phytothérapie » p. 262-263
Paul-Victor FOURNIER « Dictionnaire des Plantes médicinales et vénéneuses de France » 1947, ré-éd. 2010, p. 780-782
Jan VOLAK – Jiri STODOLA « Plantes médicinales » p. 228
L. BEZANGER-BEAUQUESNE, M. PINKAS, M. TORCK, F. TROTIN « Plantes médicinales des régions tempérées » 2° éd. 1990, p. 145
Gérard DUCERF « L’encyclopédie des Plantes bio-indicatrices » Vol1, p. 251
Stéphanie SCHAAL « Les plantes médicinales des pelouses calcaires de la Réserve Naturelle de Montenach (57) » Thèse 23 Septembre 2010 ; Faculté de Pharmacie / Université Henri Poincaré, Nancy, p. 174-176
Anges M. BONET, Roser REIXACH « Remeis tradicionals del Lluçanès », Notes ethnobotaniques, Catalogne, 2013

2) Ouvrages anciens 

Henri Louis DU HAMEL du MONCEAU « Essai sur l’usage de la plante nommée Polygala vulgaris pour la guérison des maladies inflammatoires de la poitrine » 1739 ; p 179
Jean-François COSTE « Essais botaniques, chimiques et pharmaceutiques sur quelques plantes », 1778 ; p. 72-75
Jean Louis Auguste LOISELEUR-DESLONGCHAMPS « Manuel des plantes usuelles indigènes », vol 1, 1819 ; p. 52-53
Charles-Louis-Fleury PANCKOUCKE « Dictionnaire des sciences médicales » 1820 ; p. 143-146
Alexandre GAUTIER « Manuel des plantes médicinales » 1822 ; p. 848-851
Henri MILNE-EDWARDS, Henri VAVASSEUR « Manuel de Matière Médicale » Bruxelles, 4° éd. 1831, p. 170
Eugène SOUBEIRAN « Nouveau traité de pharmacie théorique et pratique » vol 1 , 1840 ; p. 411-415

3) Article scientifiques

(classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents)
Note : en littérature anglaise :
. le Polygala commun est nommé Common Milkwort
. le Polygala amer est nommé Bitter Milkwort
. le Polygala senega est nommé Senega Snake Root

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WEBOGRAPHIE

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http://www.tela-botanica.org/bdtfx-nn-51161-synthese
http://canope.ac-besancon.fr/flore/Polygalaceae/especes/polygala_vulgaris.htm
http://monerbier.canalblog.com/archives/2013/12/11/28635110.html
https://www.pfaf.org/user/Plant.aspx?LatinName=Polygala+vulgaris
http://www.florealpes.com/fiche_polygalavulga.php
https://www.pfaf.org/user/Plant.aspx?LatinName=Polygala+tenuifolia
https://en.wikipedia.org/wiki/Polygala
https://fr.wikipedia.org/wiki/Polygale_du_calcaire
http://serres.u-bourgogne.fr/flore/article.php3?id_article=700
https://www.pfaf.org/user/Plant.aspx?LatinName=Polygala+amara
http://pza.sanbi.org/polygala-myrtifolia
http://omedicine.info/en/istod-sibirskij-polygala-sibirica.html
https://www.mdidea.com/products/new/new09804.html
www.trementinaires.org
www.crdp.ac-besancon.fr
www.isaisons.free.fr
www.dictionnaire-des-plantes.com

II/ POLYGALA de VIRGINIE

Polygala senega L.

Noms vernaculaires :

Polygale de Virginie, Sénéga ou Sénéka

BOTANIQUE 

La plante herbacée vivace est beaucoup plus grande que les Polygalas européens, atteignant 40-50 cm ; ce qui la caractérise est sa racine puissante ayant un collet renflé, mesurant 10 à 15 cm de profondeur et du diamètre d’un doigt (8-10mm), dont l’écorce brune est très âcre, et la chair blanche. Les feuilles sont alternes et lancéolées. Les fleurs en épis ont les caractéristiques des autres polygalas, mais blanches.

HABITAT

Il pousse dans les vastes prairies d’Amérique du Nord (dans les états du Montana et Minesota, ainsi qu’en Virginie) et dans le Sud du Canada (plus précisemment dans les provinces du Manitoba, de l’Alberta, et du Saskatchewan). Longtemps récolté par les autochtones, la raréfaction de la plante a nécessité de développer des cultures, au Canada.
Depuis les années 80, le Japon, intéressé par la plante, la cultive aussi. Récemment, l’Inde et le Brésil se sont mis à développer des cultures de cette plante médicinale.

USAGE MEDICINAL 

1) Historique et usages traditionnels 

Le POLYGALA des prairies d’Amérique du Nord est une plante médicinale employée traditionnellement par les Indiens, particulièrement la tribu des Sénécas qui a donné son nom à la plante. Ils l’appelaient « snake root  » la racine-serpent en référence au serpent-à-sonnette ou crotale dont ils saupoudraient les morsures avec la poudre qu’ils portaient en permanence dans un petit sac-médecine.
Les Ojibways l’utilisaient pour les céphalées et les douleurs abdominales.
Les Hurons et les Iroquois traitaient leurs bronchites avec la plante.
C’est un médecin écossais John TENNENT qui ramena le POLYGALA « exotique » à Edimbourg en 1733 et en vanta les bienfaits sur l’appareil pulmonaire. Il en envoya des spécimens aux Académies des sciences à Paris en 1738, date à partir de laquelle elle fut expérimentée en Europe.
Très vite, on répertoria ses effets.

Les observations cliniques des Dr Louis VALENTIN (à Nancy en 1812) et BRETONNEAU (à Tours) ont montré qu’il aidait à décoller dans le croup (diphtérie) les membranes blanches collées au larynx et à les expulser (associé au CALOMEL).

Henri MILNE-EDWARDS et Pierre Henri VAVASSEUR dans leur « Manuel de Matière Médicale » de 1831 écrivent sur le Polygala de Virginie : « Le Polygala est un excitant très énergique, qui, à trop fortes doses, occasionne souvent des vomissements et des déjections alvines. A des doses modérées, ce médicament excite la sécrétion de l’urine, la sueur et le ptyalisme (salivation excessive). On a cru pendant longtemps qu’il exerçait une action spéciale sur les poumons, et alors on l’employait dans toutes les maladies de la poitrine, même dans les cas d’inflammation aiguë... On s’en sert avec avantage dans les affections rhumatismales, dans la dernière période des catarrhes pulmonaires, dans l’hydrothorax et certaines hydropisises, dans le croup, l’aménorrhée, etc. »

John STEPHENSON et James Morss CHURCHILL rapportent dans leur « Medical Botany » de 1835 que ce fut des Indiens Senegaros que le Dr TENNENT apprit l’usage, tenu secret, de la racine de Polygala comme antidote des venins de serpents. Par ailleurs, les Indiens Seneca l’utilisait dans la pneumonie, et dans les toux difficiles avec oppression respiratoire, que le remède soulageait. Le Dr BREE considérait la décoction de « Seneka » comme un des plus puissants remèdes d’asthme contracté l’hiver, avec difficulté d’expectoration. (STEPHENSON, CHURCHILL, 1835).

On l’employa même pendant 2 siècles pour traiter la « phtisie », ancien mot désignant la tuberculose pulmonaire. Associé à d’autres méthodes, il permettait dans un certain nombre de cas des améliorations cliniques en 3 mois, avec guérison apparente et recouvrement de la santé.

2) Composition & Pharmacologie

Les composants pharmacologiques ayant été isolés sont :
 des saponines triterpéniques (10%) dont la principale est la Sénégine (4%) dont l’hydrolyse fournit : la Sénégénine, l’acide Sénégénique, et la Préségénine. On a aussi isolé des dérivés hétérosidiques de cette Préségénine, à savoir des bidesmosides que l’on a nommés Sénégine II, III, IV...
Autre Saponine : l’acide polygalique
 du salicylate de méthyle (en petite quantité)
 une résine
 une huile essentielle volatile
 des phytostérols
 des acides phénoliques
 des Xanthones, dérivés du Phénylpropane
 des Hydrates de Carbones (« sucres ») : arabinose, fructose, sucrose, saccharose, reffinose, melibiose...
 du Polygalitol, un sucre-alcool (=1,5-anhydro-D-sorbitol) également présent chez Polygala amara
 des Oligosaccharides : dont des Glucosides phénoliques : Ténuifolisides A,B,C,D isolés du Polygala asiatique tenuifolia ; dont certains ont été retrouvés chez P. senega ; les Ténuifolisides A et B retrouvés aussi chez le Polygala sibérien (ZHOU, 2018).
 et du mucilage
Toutes ces substances expliquent les propriétés anti-infectieuses, et anti-inflammatoires du Polygala.

Les recherches pharmacologiques sur le Polygala de Virginie ont récemment abouti à découvrir que des extraits de la racine de ce Polygala senega possèdent, in vitro, une action anticancéreuse ; en favorisant la fragmentation de la chromatine, elle conduit des cellules de cancer du poumon à l’apoptose. Ces extraits administrés, in vivo cette fois chez la souris, à la posologie de 50 à 100 mg/kg, assurent une protection contre la cancérogenèse induite par un carcinogène ( PAUL, 2010). L’encapsulation avec des nanoparticules lipidiques augmente la biodisponibilité des extraits qui provoquent une action cytotoxique sur les cellules de cancer pulmonaire (PAUL, 2011).

Les Saponines extraites de la racine du P. Senega sont immunostimulantes. Huits saponines ont été utilisées chez l’animal comme adjuvants vaccinaux ; injectées, elles induisent une augmentation préférentielle du taux des anticorps spécifiques IgG2a. Elles se sont avérées chez la souris moins toxiques, à dose équivalente, que les saponines de Quillaja saponaria qui sont depuis longtemps employées comme adjuvants dans les formulations vaccinales (KATSELIS, 2007).

3) INDICATIONS THERAPEUTIQUES du POLYGALA SENEGA

=> « tonique amer » il fortifie les muqueuses digestives, relance l’appétit, sauf en cas de trop fortes doses où il provoque nausées, ptyalisme (hypersalivation), et vomissements ; ainsi qu’un effet purgatif intestinal.

=> c’est surtout un remarquable « béchique  » qui « excite les sécrétions bronchiques », fluidifie les mucosités épaisses, et en facilite l’expectoration. Utilisé dans toutes les affections catarrhales (c’est-à-dire inflammatoires des bronches, les pleurésies et pneumonies, il provoque le rejet des sécrétions mucopurulentes, active la normalisation de la fièvre, et la cédation progressive de la toux.
L’action favorable est observée aussi sur la muqueuse sinusienne.

=> «  diaphorétique » il favorise la sudation dans les maladies fébriles

=> diurétique ; une formule associant racines de Polygala senega et baies de Genièvre faisaient uriner les patients atteints d’hydropisie (oedèmes)

=> il améliore les inflammations cutanées de l’eczéma et du psoriasis

=> il fut prescrit contre les ophtalmies intenses, douloureuses, par le Dr AMMON (de Dresde) en 1825, qui en quelques jours tirait d’affaire des patients atteints de kérato-conjonctivites purulentes, iritis, hypopions et inflammations de la chambre antérieure de l’œil. Cette action mériterait des recherches…

=> une action anti-inflammatoire dans les rhumatismes

=> un effet hypoglycémiant

=> enfin, certaines saponines qu’il contient, ont une action immunostimulante : elles augmentent la réponse à la production d’IgG (ce qui peut expliquer les améliorations du remède dans les infections respiratoires)

RECOLTE

La racine est déterrée en automne (après que les graines tombées assurent la reproduction de la plante) ; puis séchée.

EMPLOI MEDICINAL et POSOLOGIE 

 La racine (qui contient le maximum de principes actifs) est découpée en fins morceaux, ou réduite en poudre. La décoction de racine sert à préparer le classique SIROP de POLYGALA  :
Selon le Formulaire National de la pharmacie (héritier du Codex) :
Racine de Polygala 10 g
Eau 150g
Verser l’eau bouillante, laisser infuser 6H en vase clos ; passer en pressant dans une toile ; laisser reposer et décanter le surnageant ; ajouter 180g de sucre pour 100g de liquide ; porter à ébullition, filtrer.
La posologie est de 3 cuillérées-à-soupe / 24H chez l’adulte
Il est complémentaire de l’HYSOPE dans les infections respiratoires ;
et de la REINE des PRES (qui contient également de la gaulthérine et du salicylate de méthyle) dans les rhumatismes.

 en Teinture-Mère : POLYGALA SENEGA TM : 15 gouttes x 3 fois/j (posologie pouvant être doublée à 30 gouttes x 3 fois/jour) dans toutes les indications pulmonaires ou rhumatismales du remède, par cures de 3 semaines

 en HOMEOPATHIE  : le Polygala est employé sous le nom de SENEGA
prescrit en basse dynamisation 6DH à 5CH pour les symptômes majeurs
 « toux continue, avec grande accumulation de mucosités, et respiration bruyante ; râles nombreux ; expectoration difficile de mucosités tenaces et filantes », « oppression respiratoire », « poitrine douloureuse »
indiqué souvent avec IPECA et ANTIMONIUM TARTARICUM.
 « enrouement après avoir pris froid, toux laryngée incessante, et menace de suffocation »
 « douleurs oculaires, comme si les yeux étaient distendus »
 « douleurs intercostales vives », « douleurs des membres et des poignets » (Léon VANNIER, Jean POIRIER).
En Homéopathie, P. senega a été utilisé pour des symptômes correspondant aux tableaux cliniques suivants : l’hypopion, la parésie oculomotrice, le catarrhe du pharynx, le mal de gorge, l’inflammation de la vessie, l’influenzae, l’asthme, la toux de coqueluche, les douleurs dans la poitrine, la pleurésie, la pneumonie, l’hydrothorax et l’ascite (PATEL, 2018).

PHARMACOPEE FRANCAISE 

Liste A (ansm Janvier 2017)

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES 

1) Bibliographie générale

à la bibliographie sur les Polygalas indigènes, rajoutons pour le Senega :
Loïc GIRRE « Les Plantes et les médicaments » p 57
K. GHEDIRA, P.GOETZ, R. LE JEUNE « Polygala de Virginie : Polygala senega » Formation continue, Journal de Phytothérapie, 2010 vol 8, Issue 5, p 320-323

2) Ouvrages anciens 

CANDON Nikolaus « Dissertatio de POLYGALA in Phthisi » Viennae, 1762

Dr Louis VALENTIN « Recherche historique et pratique sur le croup », 1812

Henri MILNE-EDWARDS, Pierre Henri VAVASSEUR « Manuel de Matière Médicale » Bruxelles, 4° éd. 1831, p. 170

F.V MERAT, J. de LENS « Dictionnaire universel de Matière médicale et de Thérapeutique générale », 1833, p 423-428

John STEPHENSON, James Morss CHURCHILL « Medical Botany » Vol. 2, London, 1835

3) Articles scientifiques

(classés en ordre chronologique, des plus anciens aux plus récents)
Note : en littérature anglaise, le Polygala de Virginie est dénommé Senega snake root, ou Senega (tout-court) en particulier par les Homéopathes

KATSELIS GS, ESTRADA A, GORECKI DKJ, BARI B. « Adjuvant activities of Saponins from the root of Polygala senega L. » Revue Canadienne de Physiologie et Pharmacologie 2007 ; 85(11) : 1184-94 (University of Saskatchewan, Saskatoon & Health Canada, Ottawa, Canada)

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Par Dr Dom COQUERET

Le lundi 11 juin 2018

Mis à jour le 4 octobre 2019